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Des mondes de musiques

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Académie Charles Cros

COUPS DE CŒUR MUSIQUES DU MONDE 2020

Alain Fantapié, Franck Tenaille, Philippe Krümm ...

Un petit clic sur le logo et découvrez le podcast révélant les coups de coeur "musiques du monde" 2020.

En ouverture : Le Génial, Charles Cros poète et inventeur , 1842/1888 - Photo NADAR

Révélations des Coups de Coeur "Musiques du monde 2020" de l'Académie Charles Cros

Ce n’est sûrement pas le coronavirus qui va empêcher l’Académie Charles Cros de décerner ses traditionnels Prix du disque.

Elle le fait chaque année depuis le lendemain de la guerre, en 1948. 76 ans aujourd’hui. Un bail. Les palmarès des Grands prix du disque consacrent ainsi les plus exceptionnels enregistrements sonores de toute nature, musiques anciennes, classiques, contemporaines, jazz, blues, chanson française, parole, et musiques du monde qui n’ont jamais tenu une place si importante dans notre société. Au risque, si l’on n’est pas rigoureusement sélectif, d’avoir des palmarès que leur abondance rend illisible. Et si l’on est trop sévèrement sélectif, voilà qu’on dispose d’une vitrine, ou plutôt d’une fenêtre, mais beaucoup trop étroite. 

Voilà qui a conduit l’ACC, au tournant de ce siècle, il y a donc juste 20 ans, a chercher à mieux répondre aux besoins du public et à créer, à côté de ses Grands Prix,  et pour les musiques du monde une manifestation spéciale, qui permette d’accueillir en public les lauréats sélectionnés tout au long des douze mois précédents par un jury,  travail mené  notamment  sous la conduite éclairée de son coordinateur Franck Tenaille, de Philippe Krümm, avec les meilleurs spécialistes des musiques du monde. Elle décerne chaque année en public dans un lieu de festival ses Coups de cœur Musiques du monde, à la fois cérémonie mais aussi et fête conviviale, avant toute chose une belle rencontre entre artistes des 4 coins de la planète et public.

Cette proclamation avait d’autant plus de sens cette année que le rôle de l’ACC n’est pas de se contenter d’épingler des prix comme des décorations sur la poitrine d’un artiste, ou celle d’un cd ! mais de servir des valeurs.  Et il lui apparaissait particulièrement capital aujourd’hui de mettre en évidence des musiques et des textes qui portent les cultures des hommes dans leur éblouissante diversité, et qui portent témoignage des richesses des terres les plus lointaines comme les plus proches de nous, au cœur même de l’Auvergne, de la Bretagne, ou de la Corse ?

Le coronavirus aura tout de même frappé en nous empêchant d’organiser la proclamation lors d’une de ces rencontres amicales, mais grâce au numérique, le voilà fort dépourvu !

 Alain Fantapié - Président de l'Académie Charles Cros - Photo DR

 

 



 

MEMOIRE VIVANTE

 

Pakistan, Subhan Admed Nizami et Qawal Baché, Qawwali de la Dehli Gharana (Karachi). 1 CD Ocora-Radio France.

Subhan Ahmed Nizami appartient à la prestigieuse école de musique hindoustanie connue sous le nom de « Qawwal Baché », fondée au XIIIe siècle à Karachi par Hazrat Amir Khusro (1253-1325). Et il descend en ligne directe du premier élève de ce dernier. Le qawwali (de l’arabe quaul, parole) est par essence un message de paix et de fraternité qui se reflète dans la diversité des langues utilisées pour ses poèmes mystiques (persan, braj, hindi, sanscrit, urdu). Pour ce premier CD, Subhan Ahmed Nizami présente des compositions tirées d’un répertoire familial riche de 2000 poèmes manuscrits. Un chœur, des frappements de main, un harmonium, des tabla et dholak (percussions) : ces enregistrements nous plongent dans le secret d’une tradition préservée depuis 750 ans. 

 

 

 

Emile Vacher, Créateur de la Valse Musette et de la Java, 2 CD 46 production, Les Nuits de Fourvière/ L’Autre Distribution. LP avec illustration de Robert Crumb.

Le musette né sur le pavé parisien a bouleversé le paysage des musiques populaires au même titre que le Jazz à la Nouvelle-Orléans, le Tango à Buenos-Aires ou le Rébétiko à Athènes. Emile Vacher peut être considéré comme le créateur du genre. Né à Tours en 1883, d’une mère bretonne abusée par un membre d’une riche famille tourangelle où elle était jeune servante, il sera adopté à Paris où son nouveau père, Louis Vacher, lui offre un accordéon. Très vite il s’avère être un prodige de ce nouvel instrument. En 1900, la famille Vacher achète le bal de la Montagne Sainte Geneviève. Et c’est dans ce Paris rive gauche du début du XXème siècle qu’Émile Vacher révolutionne codifie la valse musette et la java. Enregistrant plus de 500 titres, vendus par dizaines de milliers d’exemplaires, il deviendra une immense vedette de la radio. Pourtant lorsqu’il disparut à Paris, le 14 avril 1969, abandonné par la profession, il était dans le dénuement. Il était donc plus que temps de lui rendre hommage.

 

 

 

Afrique de l’ouest. Les années 70 à Bouaké. Enregistrements Bernard Mondet). 1 CD Meg-AIMP (Suisse).

Carrefour interculturel et commercial au centre de la Côte-d’Ivoire, la ville de Bouaké s’épanouit au XXe siècle autour de l’un des marchés les plus riches d’Afrique occidentale. Quand Bernard Mondet, chercheur en entomologie médicale auprès de l’Institut de Recherche pour le Développement, s’y retrouve au milieu des années 1970, il va se passionner pour les traditions musicales ivoiriennes, ghanéennes, maliennes, guinéennes ou voltaïques qu’il y rencontre. Ayant fait la connaissance d’Adama Dramé, maître virtuose du djembé il sera introduit auprès des artistes musiciens de la ville. Et dans un souci de préservation, armé d’un enregistreur à bandes, il réalisera une collection de documents sonores où se croisent avec bonheur balafons senufo et bobo, harpes-luths kora des griots mandingues, flûtes peul et mossi ou arc musical birifor. En mai 2018, Bernard Mondet a fait don aux Archives internationales de musique populaire (AIMP) du MEG (Musée d’Ethnographie de Genève) de son fonds d’archives sonores.

 

 Franck Tenaille - Photo DR -

 

CREATION

 Gaizca Project (Ialma, Manu Sabate, Inaki Plaza, Ciscu Cardona, Nicolas Scalliet). 1 CD Homerecords (Belgique).

Le label liégeois Home Records poursuit sa prospection à travers les musiques du monde avec cet enregistrement qui met à l’honneur la Galice, la Catalogne, le Pays Basque, outre un clin d’œil appuyé à l’aranés, la langue du Val d’Aran. Cela à travers un enchevêtrement de traditions populaires de ces « régions » selon une optique contemporaine. Outre les voix des chanteuses de Ialma on y croise tambourins, accordéon diatonique xylophone, hautbois de leurs patrimoines. Un répertoire résolument festif, comme une parenthèse d’alegria y libertad, dans ce monde troublé où respect, et reconnaissance des particularismes culturels ne font pas toujours partie des logiciels de centralismes surannés.

 

 

 

 

Sahra Halgan, Waa Dardaaran, 1 CD Buda/ Universal.

Icone du Somaliland, une enclave de 4 millions d’habitants logée entre Djibouti, l’Éthiopie et la Somalie, devenue indépendante en 1991, Sahra Halgan s’assume en symbole de liberté pour sa nation. Son parcours est aussi tumultueux que celui de son pays. Petite fille de chanteur et poète, se consacrant au chant dès l’adolescence, elle brave les conventions tribales familiales. Devenue infirmière sur le front lors de la terrible répression du dictateur Siad Barre dans les années 80, elle continuera à chanter pour les blessés. Avant de connaître aussi vingt ans d’exil en France. Au début des années 2010, elle fonde un trio avec deux musiciens lyonnais : Aymeric Krol (aux percussions) et Maël Salètes (à la guitare électrique). Waa Dardaaran (formule de politesse pour s’adresser aux vénérables), est un album qui vise au cœur avec la voix contondante et gutturale de la chanteuse, le groove de synthés vintage et des riffs ensorceleurs. Il combine des compositions originales, des morceaux traditionnels, et des chansons de l’âge d’or des scènes somaliennes. Depuis 2013, Sahra Halgan s’est s’installé dans sa ville natale, Hargeisa, avec l’ambition d’ouvrir un lieu consacré à la musique et à la poésie baptisé Hiddo Dhawr (« préserve la culture »).

 

 

 

 

Hamon Martin Quintet, Clameurs, Coop Breizh.

Hamon Martin Quintet se produit en concert ou en fest-noz. Au départ ce fut un duo, constitué de deux originaires du pays de Redon : Janick Martin (accordéon diatonique) et Erwan Hamon (bombardes et flûte traversière). Le duo s’est fait quintet en recrutant Mathieu Hamon (au chant), Ronan Pellen (au cistre, et violoncelle) et Erwan Volant (à la base basse). Porté par la voix terrienne de Mathieu Hamon, l’ensemble nous propose sa définition d’un folk francophone d’aujourd’hui. Une expression chantée collective et populaire, contestataire et sociale, amoureuse et révoltée, renouant avec le message porté dans les années 60 par les fondateurs du mouvement folk, Woody Guthrie et Pete Seeger. Ici donc un mélange de chansons trad’ (La Blanche biche, La perdrix blanche), de chansons d’auteurs classiques (Vigneault, Couté, Brassens...), d’œuvres contemporaines (Sylvain GirO, Denis Flageul ou Philippe Marlu). Cet enregistrement s’enrichissant de Julien Padovani à la direction artistique et aux claviers (orgue Philicorda et piano Fender Rhodes), de Raphaël Chevé (à la batterie) et de Rosemary Standley, la voix lumineuse du groupe Moriarty.

 

 

 

 

 

Super Parquet, 1 CD Pagans/ Inouïe Distribution

Super Parquet, entendre « musique psychédélique » d’Auvergne. Soit redonner aux folklores la place qui leur revient. Saturées, réitérées jusqu’à l’hallucination, les mélodies des airs traditionnels qu’interprète le groupe suscitent l’ivresse et invite à la farandole. Un album qui et le fruit d’une recherche sur les effets sonores et les musiques de transes entrepris. Et l’aboutissement d’un travail sur l’effet bourdon, si présent dans les musiques du monde. On est donc, entre bal et free-party, plongé dans le minimalisme d’un Steve Reich sévissant sur un parquet à bourrées que fréquenteraient des gnawas, l’esprit d’une musique à danser, sociale et terrienne, faisant le syncrétisme.

 

 

 

 

Lina et Raül Refree, Monde. 1 CD Til / Glitterbeat/ Differ-Ant.

Raul Fernandez Miró, alias Refree, figure de la scène hardcore catalane des années 90, a depuis produit Lee Renaldo (Sonic Youth) ou Son Rouse et de belles personnalités féminines comme Rocio Marquez, Silvia Perez Cruz ou Rosalia. Le voici associé à Lina, fadista traditionnelle sous le pseudonyme de Carolina, et à un genre très jaloux de ses ces codes d’autant qu’ils s’en prennent à des standards (Foi Deus, Barco Negro, Fado Menor, Ave Maria Fadista...) de l’icone Amalia Rodriguez. Comment tout changer pour que rien ne change ? disait le Guépard. Remplaçant le trio de guitares classique par des claviers (piano, orgues, synthés vintage) Refree a opté pour un album atmosphérique qui met en valeur la sensualité et la densité d’une voix et préserve l’essence des harmonies de ces fados pourtant si visités.

 

 

 

 

 

LIVRES

Marta Amico, La Fabrique d’une musique touarègue. Un son du désert dans la World Music. 1 livre au Editions Karthala.

Depuis une vingtaine d’années, des musiciens enturbannés se produisent sur les scènes de la World Music sous le label « musique touarègue ». Tandis qu’au Sahara, des festivals présentent leurs cultures nomades pour un public de passionnés venus du monde entier. Comment expliquer cette trajectoire, des sables du désert au succès commercial ? Loin des clichés d’une musique qui serait intacte, l’anthropologue Marta Amico plonge le lecteur dans les coulisses de festivals, derrière l’écran de l’ingénieur du son, à l’écoute des paroles engagées des musiciens et des publics. Alors que le Sahara malien s’enlise depuis 2012 dans un conflit armé qui affecte les scènes locales, ce livre suit un mouvement sonore et politique qui recompose le monde touareg. Entre le « goût des autres » des institutions culturelles occidentales et les évolutions esthétiques des répertoires traditionnels ; entre l’image du musicien rebelle avec kalachnikov et les réalités d’un conflit qui transforme le Nord du Mali en un lieu d’enlèvements terroristes et d’affrontements militaires. En quelque sorte, une mise en question des rapports à l’altérité qui habitent notre mondialisation.

 

 

IN MEMORIAM

L’année 2020 fut cruelle pour la musique. Parmi ceux qui nous ont quitté, nombreux furent les victimes du virus. Parmi les plus emblématiques de ces musiciens , chanteurs, citons : Manu Dibango, Mory Kante, Idir, Tony Allen, Michel Aumont, Jacques Pellen, Aurlus Mabele, Claude Flagel, Graeme Allwright, Yann Fanch Kemener, Johnny Clegg, Marcel Azzola, Joao Gilberto, Moraes Moreira, Louise Ebrel, Joan Pau Verdier... et encore le journaliste Jean-Michel Denis ou Michèle Fromenteau (cofondatrice du festival de musique traditionnelle de Saint-Chartier).