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Des mondes de musiques

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BERTRAND LEMARCHAND

ACCORDION TRIP

Gérard Viel

Voyage dans l’univers musical de l’accordéoniste et compositeur Bertrand Lemarchand pour un projet artistique en dehors des sentiers battus…accordéons, voix, et percussions ne laissent personne indifférent.

Comment l’accordéon est entré dans ta vie ?
C'était pendant une fête de famille. Un couple de lointains cousins a joué en duo d’accordéon, je ne me souviens plus quel morceaux car j’avais 5 ans… Par contre ce dont je me souviens, c’est que j’étais assis face à eux tout le temps qu’ils ont joué. Dès les premières notes, j’ai eu comme un flash, j’ai ressenti une sensation de chaleur et d’énergie à travers ce son inconnu qui sortait des deux instruments que j’avais face à moi. Une stéréo parfaite, inoubliable.
En rentrant le soir même, j’ai dit à mes parents que je voulais jouer de l’accordéon ! Peu de temps après, à noël, mes parents m’ont offert un harmonica pensant que c’était une lubie passagère et que cette envie me passerait vite. Sauf que j’étais très déterminé… A la rentrée scolaire suivante, mes parents ont proposé aux cinq enfants que nous étions de faire une activité sportive ou musicale. Pour moi, c’était tout vu. J’ai donc commencé mes premiers cours d’accordéon à l’âge de six ans avec Etienne Picard qui était, avec sa femme également accordéoniste, le fondateur de l’Accordéon Club de Rouen. J’ai suivi des cours avec lui pendant 10 ans.

Quel est ton parcours musical ?
Dès l’âge de 17 ans, j’ai accompagné des chanteurs qui faisaient parti de l’Atelier chanson animé par Annie et Didier Dégremont au Théâtre Maxime Gorki de Petit Quevilly en banlieue Rouennaise, Didier Dervaux, Jacques Frioux, Luis Sylvestre Ramos… A cet âge là, j’ai aussi suivi des cours de guitare et un peu plus tard, des cours de piano.
A 20 ans, je me suis inscrit au C.I.M de Paris en cours de jazz avec Francis Varis et prenais le train chaque semaine pour cela. L’année suivante je suis parti vivre à Paris pour suivre des cours d’accordéon classique à l’école Normale de Musique et continuer le C.I.M avec Francis. Cette même année et l’année suivante, j’ai participé aux stages que donnait Richard Galliano à Tulle en parallèle du Festival des Nuits de Nacre (qui ne s’appelait pas encore comme ça à ce moment là), puis j’ai pris quelques cours particuliers avec lui par la suite. Peu de temps après, j’ai suivi des cours d’harmonie avec Julien Falk, plus tard, j’ai travaillé l’harmonie et le contrepoint avec Alain Bernaud du CNSMDP pendant sept ans. Puis en 2003, j’ai eu la chance d’être l’élève de Sergio Ortega (Conservatoire de Pantin) en composition musicale. J’ai aussi suivi des cours de trompette au Conservatoire d’Évreux pendant sept ans.
Pendant toutes ces années, j’ai accompagné parallèlement des chanteurs et chanteuses : Allain Leprest, Céline Caussimon, Luc Roman, Joël Favreau, France Léa, Gérard Pierron, Mona Heftre, J-Michel Piton, Sophie Lephay, Jean Guidoni, Francesca Solleville…) des comédiens : Jacques Bonnaffé, Arnaud Aubert, Roland Shön, Francis Facon, Catherine Prompt, François Small, Alain Bézu, Bruno Mallet, Serge Hureau..  des danseurs : Jacques Patarozzi, Martha Rodezno, et j’ai également composé pour le théâtre, la danse, la télévision (ARTE, TV5 monde avec Jacques Malaterre), ainsi que  le cinéma (cours métrages de  Jacques Malaterre et Jacqueline Surchat). J'ai été l'accordéoniste du groupe La Mauvaise Réputation (Cécile Brunel chant, Xavier Milhou contrebasse) pendant 17 ans J’ai aussi créé avec Alain Bertin à la guitare, le Panam' Trio jazz  avec à la contrebasse Xavier Milhou. Nous avons avec ces 2 groupes tourné un peu partout en France, Suisse, Allemagne et au Québec. J'ai joué également pendant plusieurs années au sein du groupe Patrick Desaunay Swing Manouche Quintet  avec Pat Desaunay et Béro Landauer Guitares, Matthieu Dalle Contrebasse, Robert Santiago batterie.

Bertrand Lemarchand avec Allain Leprest




Quels sont les rencontres artistiques qui ont marqué et influencé ton travail ?
La rencontre avec Allain Leprest est une des plus marquante et décisive dans mon parcours, non seulement parce que nous avons travaillé ensemble 3 semaines après mon arrivée à Paris (nous nous connaissions déjà à Rouen, avec l'Atelier Chanson) mais aussi parce que j'ai vraiment appris le métier d’accompagnateur à ses côtés et cela pendant 8 ans. C'était un auteur de chansons extraordinaires qui fût reconnu bien plus tard malheureusement. En 1985 nous étions au Printemps de Bourges où Allain a été la « Révélation de l'année » et à la suite de ça, nous avons tourné énormément en France, Suisse, Belgique, Algérie. Un an après nous passions au Théâtre de l'Escalier d'Or (Théâtre de la Ville de Paris) avec Jean-Philippe Viret à la Contrebasse, puis l'année suivante nous faisions la première partie d'Isabelle Aubret à l'Olympia où là, nous étions une équipe de 4 musiciens à accompagner Allain : Léo Nissim piano/claviers, Gilles Papiri Basse, Jean-Luc Lopez Batterie et moi Accordéon/Accordina. Ces musiciens qui jouaient aussi avec Valérie Lagrange, Aznavour, Bécaud etc... ont influencé énormément ma manière de travailler. Par leur précision et leur rigueur, je suis entré  avec eux de plein pieds dans le monde des musiciens professionnels. La personne qui m'a également beaucoup marqué et influencé, est Sergio Ortega, mon professeur de composition au Conservatoire de Pantin. Je n'avais jamais autant écrit de musique en l'espace de 9 mois. J'ai composé entre autre, pour un quintet (quatuor à corde et accordéon) et pour un duo (accordéon et voix lyrique) sur un texte d'Allain Leprest « Gens que j'aime ». Cet homme d'une énergie magnifique et d'un optimisme insensé, réussissait à donner à ses élèves toute la confiance nécessaire pour qu'ils écrivent en un temps record, des compositions qu'ils n'auraient jamais imaginé pouvoir écrire. J'ai eu la chance de le côtoyer une seule année seulement avant qu'il ne décède brutalement en Août 2004. Mon ami Roland Shön (marionnettiste, auteur, plasticien, metteur en scène, musicien...) m'a beaucoup apporté également au niveau artistique. J'ai composé la musique de deux de ses créations « Le Montreur d'Adzirie » et « Ni Fini Ni Infini ».
Travailler avec lui m'a beaucoup appris dans l'approche plastique des spectacles.
Plus précisément à ce moment là (et encore aujourd'hui notamment pour Accordion Trip) j'ai travaillé sur les structures et les différentes couches harmoniques de mes compositions, pour créer de la matière sonore autour d'un thème, comme le ferait un sculpteur. Cela sans chercher à compliquer ou intellectualiser, bien au contraire, le minimalisme n'est pas chose facile…

Comment le spectacle « Accordion Trip » a vu le jour ?
Cela faisait très longtemps que j'avais l'idée de monter un ensemble de plusieurs accordéonistes. Le déclencheur a été la mort d'un ami très proche avec qui j'avais parlé de cette idée 15 jours avant qu'il « parte ». Deux mois après j'appelais les personnes avec qui je travaille aujourd'hui et qui ont accepté immédiatement de partir dans cette aventure. C'était juste avant l'été 2019. A partir de là, j'ai commencé à écrire et en octobre nous faisions les premières répétitions.


Comment as-tu travaillé pour les compositions de ce spectacle ?
Simplement. Le piano et l'accordéon sont les deux instruments avec lesquels je compose. J'aime bien passer de l'un à l'autre pour une même composition car l'approche est assez différente et des idées surprenantes peuvent surgir juste en changeant d'instrument ou bien conforter une ligne mélodique ou harmonique. Très souvent, une phrase jouée au piano ou à l'accordéon n'emmène pas dans la même direction.  « Musique à vivre », c'est le titre du spectacle, est en fait un voyage, une histoire, un conte que j'ai imaginé . Ca a été mon fil conducteur tout au long de cette écriture...
 



Comment se déroule un concert de « Accordion Trip »
Dès le départ, j'ai souhaité que le public fasse son propre voyage musical, comme j'ai fait le mien pour composer cette musique. Nous avons donc pour la scénographie, installé le public assis dans un espace circulaire tourné vers l'extérieur, les musiciens.nes l'entourant, ce qui le pousse à mettre son focus sur l'écoute plus que sur le regard afin qu'il soit immergé dans le son qui l'entoure à 360°. C'est une vraie expérience sonore que d'être au milieu des ces 6 accordéons et ce tambour. Nous nous sommes rendu compte que très souvent, les gens ferment les yeux tout le long du concert pour se plonger dans le son et les ouvrir tout à la fin, au moment des applaudissements, car pendant plus d'une heure, il n'y a pas de rupture entre les morceaux. Donc, le public s'installe sur ces 4 ou 5 niveaux de cercles, le silence se fait et le tambour entre en tournant autour des gens qui de suite sont « embarqués » dans cette atmosphère particulière, amenée également par l'éclairage intimiste, diffusée à partir d'un grand totem placé au centre du cercle. Claude Couffin éclairagiste Lyonnais de grand talent, l'a créé spécialement pour ce spectacle. A la suite du tambour, les accordéons entrent et la musique se fait entendre dans un crescendo de nappes... Le tambour ne joue pas tout le long du concert. La percussionniste Joan Burlion, qui est également chanteuse vient plusieurs fois s'associer aux voix du groupe, notamment sur trois titres assez mystiques « Elévation 1, 2 et 3 », avant de revenir avec le tambour sur le dernier titre. La boucle est bouclée !

Comment s’est constituée l’équipe musicale de « Accordion Trip » ?
En juin 2019 Arnaud Aubert, directeur du Tanit Théâtre à Lisieux m'a proposé de jouer pour la clôture de saison, en duo avec Christian Anger accordéoniste de Caen, que je ne connaissais pas. Il m'a dit « ça fait longtemps que je veux que vous vous rencontriez, je suis sûr que vous allez vous entendre ». Nous avons improvisé et joué du jazz une bonne partie de la soirée, comme si nous jouions ensemble depuis toujours. Au moment de partir, je lui ai donc parlé de mon projet Accordion Trip, pour lequel il a tout de suite accepté de participer, malgré la distance pour venir répéter à Rouen.
Les autres accordéonistes d'origine Rouennaise, Agathe Bloutin, Isabelle Berteloot, Marita et Eric Saunier, je les connaissais depuis longtemps. Même si nous ne nous croisions pas souvent, car j'ai vécu à Paris pendant 17 ans, j'ai immédiatement pensé à eux. Lors d'une première rencontre où je leur ai proposé de constituer ce groupe, ils ont tous accepté avec enthousiasme. Nous nous sommes donc donné rendez-vous à la rentrée 2019 quelques mois plus tard  pour commencer à travailler sur les 3 titres que j'ai écrit cet été là. J'ai rencontré Joan (percussion, voix) à cette même époque et il était important pour moi d'intégrer dans ce spectacle le tambour, qui amène les auditeurs à entrer dans ma musique. Dans un premier temps il était enregistré et diffusé par une sono, mais j'ai compris que ce n'était pas la bonne méthode, car quand un tambour résonne et vibre près de vous, vous êtes vraiment «pris, embarqués».

Quel est ton regard sur l’image de l’accordéon en France ?
Quel regard devrais-je en avoir ? Je pense que tant qu'on fera une distinction de cet instrument, ça ne bougera pas ou très peu. L'accordéon a été joué et l'est encore dans tous les styles de musique de part le monde. Sous la forme que nous lui connaissons, c'est un instrument encore assez récent et des musiciens de grand talent s'emploient à le faire connaître sous un autre jour et contredisent un professeur du Conservatoire de Rouen à qui j'avais demandé quand j'étais adolescent, s'il y avait une classe d'accordéon dans ce lieu et lui de me répondre : jamais cet instrument populaire ne rentrera dans les conservatoires... L'idée que l'on s'en fait a heureusement évolué depuis, alors laissons-le avancer et faire son chemin auprès du grand public.

Contact :  https://www.bertrandlemarchand.fr/