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Des mondes de musiques

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Black banjo

Dominique Maroutian

Le banjo vient d’Afrique, ce que chacun sait.

 

A l’origine c’est une simple calebasse sur laquelle on tend une peau de chèvre, le manche traverse la calebasse, on y tend quelques cordes en boyau, on ajoute l’indispensable corde de bourdon aigu et hop !! On trouve encore quelques banjos de la fin du XIX ° de ce type , ce sont les « gourd banjos ». Mais les musiciens noirs qui en jouaient, que sont ils devenus comment s’appelaient-ils ? On ne le saura jamais. Cependant, leurs descendants existent bel et bien, on ne les trouvera dans aucun de ces classements un peu idiots, des « meilleurs banjoïstes de notre temps » qui consacrent surtout les virtuoses du bluegrass. Rendons-leur un peu justice, ils le méritent.

 

Uncle John Scruggs : Né esclave en 1855 John « uncle » Scruggs doit sa postérité à un enregistrement sonore datant de 1928, une rareté. C’est probablement le premier document cinématographique où l’on voit et entend un banjoïste « african-american ». En plus de l’intérêt musical puisqu’on voit Uncle John Scruggs jouer en clawhammer, on notera la rudesse de la condition des noirs dans le sud des Etats-Unis à cette époque

 

Elisabeth Cotten : Qui ne connaît « Freight train », « Vastopol », « Shake Sugaree » , des grands classique du picking de guitare, que cette musicienne traditionnelle exécutait avec un style très particulier ? Elle a travaillé comme bonne à tout faire dans la famille des Seeger qui la firent connaître. Elisabeth Cotten jouait également du banjo, ce fut même son premier instrument. Elle avait coutume d’emprunter celui de son frère. Sa technique a très certainement influencé Pete Seeger. L’index pince les notes de la mélodie vers le haut puis les cordes sont frottées par le majeur et l’annulaire vers le bas, enfin le pouce termine le job en pinçant la chanterelle. Bum ditty, bum ditty et voilà !! Bien que plus connue pour son style de guitare, Elisabeth Cotten s’inscrivait dans la longue tradition des banjoïstes noirs.

 

 

Etta Baker : Née en 1913 en Caroline du nord, Etta Baker apprit à jouer de la guitare dès l’âge de trois ans, son père fut son professeur. Elle apprit également le banjo. Cependant elle ne fut découverte qu’en 1956 où elle enregistra son premier disque. A l’instar d’Elisabeth Cotten, elle est surtout connue pour son jeu de picking de guitare tranquille et précis. Néanmoins elle jouait aussi du banjo dans un style à deux doigts dit « index lead » très proche de sa technique de guitare. Elle affirmait avoir été influencée par les airs de violon des Appalaches, le blues, les musiques anglaises et revendiquait ses origines métissées. Elle mourut à 93 ans après une vie très riche mais semée de malheurs. Mère de huit enfants elle eut un fils tué durant la guerre du Vietnam. Etta Baker était une instrumentiste et n’a pas laissé de souvenir en tant que chanteuse.

 

 

 

 

 

Odell Thompson : Né en 1911 en Caroline du Nord, ce musicien est considéré comme l’un des derniers liens entre les orchestres de cordes noirs et l’époque contemporaine. Son père était un banjoïste estimé. Avec son cousin Joe au violon, Odell a animé de nombreux bals de square dances. En 1940, c’est l’émergence du bluegrass qui va avoir raison du vieux style. Au début des années 70 un musicologue folkloriste qui va redécouvrir le duo et convaincre les deux cousins de recommencer à jouer leur musique dans des festivals. Leur son est unique, archaïque mais très prenant et évoquant ce que devait être la musique des africo americains du XIX° siècle. Odell jouait en clawhammer souvent sur un fretless. Lors d’un festival, alors qu’il venait de terminer un « set », il fut renversé et tué par une voiture. Il avait 83 ans.

 

 

 

 

 



Gus Cannon : « Walk right in » ça vous dit quelque chose ? Eh oui c’est un tube repris par les Roof Top Singers puis par Jerry Lee Lewis, Janis Joplin, … et tant d’autres. C’est Gus Cannon, un temps surnommé « Banjo Joe », qui écrivit cette chanson à la fin des années 20 du siècle dernier. Quelques temps avant que sa chanson lui assure une meilleure aisance matérielle, Gus Cannon , déjà âgé et vivant dans un certain dénuement, avait du mettre son banjo au clou pour payer son chauffage ! C’est dire comme sa carrière connut des hauts et des bas. Il a un temps joué pour un « medicine show » où on vendait des remèdes très sujets à caution « one for a man, two for a horse !! » Fondateur d’un célèbre orchestre noir où les basses sont assurées en soufflant dans une jarre à whisky (jug) les « Cannon Jug Stompers », il va enregistrer des dizaines de titres et de succès. Il joue aussi bien en picking qu’en clawhammer ponctuant ses chansons de riffs à la manière d’un guitariste. Il eut l’idée un jour de faire du « slide » sur son banjo. Il existe des enregistrements de Gus Cannon où il joue avec le guitariste virtuose Blind Blake. Ce fut un musicien très inventif, il reste le banjoïste noir le plus célèbre. Il disparut à l’âge respectable de 96 ans. On peut l’apercevoir dans une scène du célèbre film de King Vidor « Alleluia »

 

 

John Snipes : Lui aussi considéré comme un musicien reliant la tradition afro-américaine à la musique des Appalaches, Snipes est originaire de Caroline du Nord. Son style de banjo illustre ce que devait être la pratique de l’instrument avant que le violon lui vole la vedette. Snipes joue aussi bien en picking qu’en clawhammer. Le traitement rythmique tout comme le style vocal de ce musicien a de nombreux points commun avec le style dit de « Round Peak » illustré notamment par un musicien blanc Tommy Jarrell . C’est le fameux « call and response », un motif ou riff repris ostinato suivi d’une phrase chantée où les paroles ont plus un rôle rythmique que « sémantique ». Il n’y a pas de document filmé de John Snipes mais il figure abondamment dans une compilation éditée par Folkways : https://folkways.si.edu/black-banjo-songsters-of-north-carolina-and-virginia/african-american-music-old-time/album/smithsonian


 

 

Gus Cannon disparut à plus de 95 ans, Etta baker à 93, Odell Thompson mourut « prématurément » d’un accident à 83 ans. Rien que des vieux donc ??!! Eh bien non, la vogue du banjo clawhammer aidant plusieurs jeunes musiciens noirs ont repris le flambeau. De la plus connue Rhiannon Giddens à la fois chanteuse remarquable et virtuose du banjo, à ses anciens complices du group « Chocolate Drops » plusieurs musiciens noirs ont repris le répertoire des plus anciens banjoïstes afro américains des « minstrel shows » aux « medicine shows ». Norris Bennet qui joue aussi bien en picking qu’en clawhammer tout en chantant (pas toujours juste) quant à lui assure la liaison entre cette dernière génération et les plus anciens.

 

Rhiannon Giddens

Cedric Watson

Norris Bennet

 

Dom Flemon’s sur un quatre cordes avec une technique proche du picking 5 cordes