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Des mondes de musiques

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D.L. Menard

La voix des cajuns

Par Philippe Krümm

D.L. Menard Chez lui en 1979 Photos Philippe Krümm

Une incroyable timbre de voix, si particulier, un style de guitare efficace, un flat picking aux basses très marquées. Un style qui devait ressembler à ce qu’était celui des historiques chanteurs folk. En le voyant et en l’écoutant jouer, on était immédiatement avec Woody Guthrie. Mais l’homme d’Erath avait au fil des ans développer son style sa personnalité. Il était cajun et fier de l’être.

 

 

Après l’avoir de nombreuses fois rencontré en Louisiane et lors de ses passages en France il était devenu un ami… Les années ont trop vite passées. J’avais toujours rêvé de le revoir. Malheureusement, il nous a quitté Le 27 juillet 2017.

DL Menard(1) était le fils unique d’Helena Primeaux et Ophy Menard.

Doris Leon (D.L.) Menard était l’homme d’Erath dans la paroisse de Vermilion en Louisiane.

Il est certainement l’un des musiciens les plus attachants, que j’ai rencontré lors de mes voyages. Guitariste et chanteur par passion et fabricant de chaises « Pour remplir l’assiette » !

Son père était un bon joueur d’harmonica, mais ne chantait pas.

Allie Young et D.L. Menard photos Philippe Krümm

Jeunes ses premiè̀res chansons, D.L. les a apprises en écoutant̀ la radio Xera de Del Rio au Texas, elles étaient toutes en anglais, c’é́tait de la country. Il y entend Hank Williams, Lefty Frizzell, Ernest Tubb…

Il à 16 ans. Il commence alors à apprendre à jouer de la guitare. Son premier instrument, il va la commander dans le catalogue Montgomery Ward. Le deuxième, de meilleure qualité, dans celui de Sears, Roebuck and compagny. C’était la seule façon à l’époque de se procurer un instrument « dedans le sud de la Louisiane ».

Le sort a voulu que la deuxième guitare livrée, soit d’un modèle nettement supérieur à celui commandé. Un signe du destin qui allait sceller sa vocation de guitariste, chanteur à la voix reconnaissable entre toutes.

Les premières chansons interprétées en public furent celles du répertoire d’Hank Williams...

Un an plus tard il se produit dans des clubs. Toute sa vie il sera influencé par Hank Williams qu’il rencontrera en 1951 au Téche club à la New Ibéria.

Mais il découvre que dans sa Louisiane les cajuns ont leur musique.

D.L. Menard se rend compte qu’il sait capter les sentiments, la vie, et composer des chansons qui touchent les gens.

 

En 1952 il commence a jouer pour la danse avec Elias Badeaux et ses Louisiana Aces (le groupe cessera en 1967) C’est à cette période qu’il commence à chanter en Français.

Au tournant des années 60, il enregistre pour le mythique label de Floyd Soileau : Swallow records à la Ville-Plate, la valse de « Jolly Roger (Du nom du bar ou il se produisait)

Le Hank Williams de la Louisiane (comme on le surnommera toute sa vie) a un pur look de cow-boy, mais l’âme incrustée dans sa Louisiane.

En le rencontrant, on retourne à l’histoire des musiques populaires américaines.

Mais lui, il compose en Français. En 1961, il créé « La porte en arrière ». Il écrivit ce titre en très peu de temps, lorsqu’il travaillait dans une station service. Il était loin de se douter de la portée du titre qu’il venait de composer.

Comme tous les tubes, personne n’y croit. Au début, ses camarades du groupe Les Louisiana Aces n’étaient pas bien chauds pour « recorder » le titre.

Aujourd’hui, « La porte en arrière » est un incontournable du répertoire cajun.

L’enregistrement ce serait vendu à plus de 500 000 exemplaires seulement pour l’année 1962, année où « la porte en arrière » sera « endisqué » pour la première fois..

Le succès est immédiat. Au club le Jolly Roger, la légende veut que quelques jours après la sortie du disque, les Louisiana Aces, doivent lors d’une soirée et devant le succès de la porte en arrière, jouer le titre 7 fois d’affilés !

Il chantera, toujours avec bonheur, sn tube « La porte en arrière » des milliers de fois dans tous les festivals et clubs de la planète,

Il avait, disait il composé ce titre en s’inspirant du « Honky Tonk Blues » d’Hank Williams.

« La porte en arriére » fut classée par le magazine « Rolling Stone » dans les 100 meilleures chansons country de tous les temps.

Certainement le seul morceau en Français de cette glorieuse liste !

Puis un de ses meilleurs enregistrements sera « Under the green oak tree » avec Dewey Balfa (Violon, chant) et Marc Savoy (Accordéon).

Il jouera avec de nombreux musiciens comme dans les années 80 avec Eddie Lejeune et Ken Smith, Lee Manuel…

Il fut nommé deux fois aux prestigieux Grammy Award.

Il jouera son incontournable titre, une dernière fois en public, assis dans une chaise roulante, le 7 mai 2017 au festival de l’écrevisse à Pont-Breaux accompagné par le Jambalaya cajun band.

 

« Moi et la belle on avait été au bal

On a passé dans tous les honky tonks

On a revenu lendemain matin

Le jour était après s’casser

 

J’ai passé dedans la porte d’en arrière

 

L’après- midi, moi j’étais au village

Et j’m’ai saoulé que j’pouvais plus marcher

Ils m’ont ramené back à la maison

Il y avait de la compagnie, c’était du monde étranger

 

J’ai passé dedans la porte d’en arrière.

 

Mon vieux père un soir quand j’arrivais
Il a essayé de changer mon idée.
J’ai pas écouté, moi j’avais trop la tête dure

Un jour à venir, mon neg’, tu vas avoir du regret.

 

T’as passé dedans la porte d’en arrière.

 

J’ai eu un tas d’amis quand j’avais de l’argent

Asteur, j’ai plus d’argent, mais ils voulont plus me voir.

J’étais dans le village, et moi j’mai mis dans traça.s

La loi m’a ramassé, moi j’suis parti dans la prison.

 

On va passer dedans la porte d’en arrière.»

Quand on était chez lui à Erath, dans sa maison, près de sa chère « D.L. Menard Chair factory », Lou-Ella sa femme née Abshire (disparue en 2001) qu’il épousa en 1952, cuisinait de somptueux gumbos*.

D.L. chantait ses ballades, racontait ses histoires. Dès qu’il avait la guitare dans les mains. C’est un monde qui apparaissait.
Il était conteur, chanteur et vraiment drôle.

Lou Ella et D.L. Photo Philippe Krümm

Il prenait toujours à témoin Lou-Ella, sa femme (décédée en 2001), qui, elle, nous prenait à témoin pour évoquer la dure condition de la femme de musicien, avant de regarder DL et tous les deux éclataient de rire. Des moments uniques...

Chez DL, c’est la seule fois où j’ai dormi dans des lits orientés les pieds au mur.

DL est un vrai guérisseur mais il emploie ses dons avec parcimonie et auprès de ses proches amis.

Il avait peur que ce soit mal perçu.

D.L. est avant tout un musicien, un chanteur, auteur-compositeur. Il aime prendre sa guitare, chanter, partager des moments de musique avec ses amis ou ses invités.

Mais quand on venait chez lui pour la première fois, et les autres le rite était toujours le même. Et on ne pouvait pas lui refuser. Il aimait avant tout faire visiter sa fabrique de chaises et de berceuses.
Son usine était recouverte de sciure de bois, bourrée d’incroyables machines pour raboter, poncer, arrondir, scier, qu’il avait conçu lui-même sur la base de moteurs de machines à laver.

D.L. devant son "Usine" photo Philippe Krümm

De l’art brut, des merveilleux monstres animés, au service de sa passion.

Il avait d’autres attirances secrètes… Pour les machines à vapeur et les grues !

Il m’offrira une berceuse (rocking chair) « Made in Louisiana » que, hélas, je n’ai pu ramener en France.

J’avais rencontré une légende, j’en ai vraiment conscience aujourd’hui.

Et il est certain que lors de son entrée au paradis des musiciens, c’est par la grande porte de devant que D.L. Menard est passé.

 

1/ DL Menard (né 14 avril 1932 à Erath en Louisiane Le 27 juillet 2017 à Scott en Louisiane)

Hommage par la famille Savoy