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Des mondes de musiques

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ETHNOTEST XII

Grenouillages

Epistémologix

Dans les églises et les chapelles, il n’y a pas que des autels.

Il y a aussi des bénitiers. L’eau des bénitiers ne jaillit ni ne ruisselle. Elle stagne et croupit. Ce n’est pas dans une église qu’on peut admirer la cascade, le torrent, le geyser. Pourtant, au départ, c’est peut-être là qu’on l’a puisée, l’eau bénite. L’erreur, ça a été de la bénir, lui faisant perdre tout souvenir de sa liberté sauvage. Elle est comme un tigre captif, qui arpente sa cage et finit par oublier sa tigritude. Vu qu’il ne serait pas réaliste de se mettre un tigre dans le bénitier, on y met plutôt des grenouilles.

 

Le cri de la grenouille de bénitier est très différent de celui du tigre. Elle acquiesce plus qu’elle ne rugit. Si vous tendez l‘oreille, vous entendez quelque chose comme « amen ». Dans les cantiques religieusement corrects, grenouille rime avec s’agenouille. Ou avec allélouille. Et béni, avec oui-oui. L’oecul-bénisme a ses fidèles, ses prêtres, ses chantres et ses inquisiteurs. Les plus intéressants, c’est les fidèles. Le prêtre, lui, il fait son job, qui consiste à consacrer, bénir et célébrer. Le chantre nous psalmodie du grégorien à la pompe-moi-le-neume. Quant à l‘inquisiteur, il suit sa nature pyromane, qui le mène de l’autodafé à la crémation de l’hérétique. Tandis que le fidèle, c’est plutôt le brave couillon, à qui on ne peut rien reprocher de grave, vu qu’il n’est ni assassin, ni violeur, ni intellectuel. Tout au plus un peu larron, comme tout le monde. Péché véniel.

 

Si le fidèle est pécheur, ce n’est pas en haute mer. C’est dans le bénitier qu’il déchaîne ses tempêtes. Quelle que soit sa foi, il n’y fera pas de miracle. Sauf la multiplication des grenouilles. Car la grenouille se reproduit et se multiplie par ses propres moyens. Sous forme de têtard d’abord – du verbe téter, car les grenouilles dont je vous parle sont mammifères. Mais très vite (comme on dit dans les biographies), le têtard perd sa queue en atteignant l’âge d’homme. Ce qui est paradoxal. En tout cas pour les mâles. A terme, on peut dire que la grenouille manque de queue. Et de tout ce qui va avec. Il y a des mots qui riment avec grenouille et qu’on ne retrouve nulle part dans les cantiques. Même pas trouille, vu que l’inquisiteur est plutôt bonasse envers le batracien. Car il sait la grenouille bien pensante. Les prêtres font ce qu’il faut pour ça. Les chantres aussi. Dieu merci ! La bienpensance de la grenouille a seulement besoin d’être guidée. Parce que sinon, elle ne saura pas quoi penser du Da Vinci code, qui est en vente libre. Ou de Justine. Ou des Ethnotests. Alors, il faut qu’on lui montre le droit chemin, à la grenouille. On le lui montre avec l’index. Le Grant inquisiteur dira par exemple : les Ethnotests sont à l’index. L’index, c’est le doigt qu’on plonge dans le bénitier. Le majeur n’est pas le bienvenu à l’intérieur de l’église. A l’extérieur, faut voir.

 

Quant aux orteils, la grenouille les a palmés, tout comme les doigts de la main. C’est une gêne, pour elle. Parce que si la mouette Tridactyle a ce qu’il faut pour jouer du galoubet, la grenouille d’ordinaire en est réduite à des battements méta-et tétra carpiens, qui lui permettent d’applaudir en s’en tenant à des rythmes très simples. Par exemple dans le Cercle batracien, quand les femelles avancent vers le centre du bénitier. Sur une mesure binaire que le clergé a rendue ternaire, Sainte-Trinité oblige. Mais surtout, la grenouille n’a pas le pouce opposable, de sorte qu’il y a des tas de choses qu’elle ne saisit pas. En tout cas, pas bien. Or l’encéphale de la grenouille aurait souvent besoin d’un coup de pouce.

 

Il est rare qu’une grenouille sorte du bénitier. Elle s’y trouve bien. Sa brasse coulée l’y mène d’une rive à l’autre et lui permet des rencontres sécurisantes avec d’autres grenouilles. Car la grenouille a besoin d’être sécurisée. C’est donc dans la convivialité la plus consensuelle qu’on la voit gober à peu près tout ce qui se présente à elle. Cela dit, il peut arriver à une grenouille de quitter le bénitier pour l’école, accédant du même coup aux études. Elle y apporte une contribution originale : décervelée comme elle est, on la suspend à une ficelle et lui met de l’acide sur les pattes. Et là, elle se contracte, se convulse et se contorsionne. Ce qui est une manière comme une autre de s’adapter à la démarche scientifique.

 

Epistémologix