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Des mondes de musiques

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Ethnotest

La diplopie du regard intérieur: un cas intéressant de biréfringence réfractionniste

Epistemologix

Assurez-vous d’abord que vous comprenez bien le titre

Quand ce sera fait, vous me l’expliquerez. Parce que moi, vous me connaissez, j’ai parlé très tard, les dix plus belles années de ma vie, c’est celles du CM2 et ensuite, hop ! Le revivalisme, ses usines, ses labos, ses galères, sa griserie des mots, son occultation des choses, ses liturgies, ses encensoirs, ses bûchers.

L’avantage du cyclope sur le diplope, c’est que n’ayant qu’un œil, il perçoit le monde comme homogène et cohérent. Alors que le diplope n’arrive pas à faire coïncider ce qu’il voit de l’œil droit et ce que lui montre le gauche. Un peu comme le rhinocéros à narines cloisonnées, dont la droite ignore ce que sniffe la gauche. Bref, le diplope est pénalisé pour ce qui concerne la vision du monde. Un socialiste, par exemple, n’est pas le même selon qu’on le voit à gauche ou à droite. Mais c’est encore pire, quand ça vous affecte le regard intérieur.

Le regard intérieur ne perçoit rien du monde extérieur, du fait qu’il ne le regarde pas. Le monde pour lui n’est qu’un désert, où l’oasis ne saurait être qu’un mirage. Ça, c’est la cécité de son œil gauche qui le lui enseigne. Mais le droit, pendant ce temps-là, lui fantagmagorise des concrétions stalagmythiques au sein même du désert qui devrait les exclure. De sorte que le diplope biréfringent ferme une paupière sur l’existence possible des cultures traditionnelles, mais les postule néanmoins où elles ne sont pas, grâce à un agile salto arrière de son chiasme optique.

Concrètement, ça veut dire que d’un côté il vous “déconstruit“ la notion de tradition, mais que d’un autre il vous explique la fête de l’ours en Vallespir. Tout cela sans jamais sortir de chez lui, là où s’alignent les volumes de C. Sachs, J. Frazer, H. Davenson, C. Gaignebet, V. Alford ou R. Hess (un grand absent : Epistémologix). Le tout surmonté d’un poster d’Einstein tirant la langue et du PC qui abrite son site : moi à la plage quand j’avais deux ans, moi arborant une rosette à laquelle je n’attache nulle importance, moi guérissant les écrouelles en collectage, moi me caressant la bibliographie dans le sens du poil, moi pensif, moi attentif, moi enjoué, moi chaleureux.

Parce que voyez-vous (là je m’adresse à ceux qui regardent au dehors), le fête de l’ours n’a été introduite en Vallespir que dans la seconde moitié du XIXè siècle, à une époque où l’homme qui a vu l’ours n’était pas encore né et où ceux qui l’ont fait naître ne l’avaient encore jamais vu. Cet animal doit sa survie au regard intérieur d’une ignorance peu regardante.

La diplopie, ça se soigne. D’abord, il faut faire baisser la tension. Ça calme. Au bout d’un moment, on accommode. On peut sortir. Quitter les mots pour les choses. Sauf qu’entre-temps le monde a changé. Sans qu’on s’en aperçoive, puisqu’on ne regardait pas. De sorte que ce qui menace le diplope convalescent, c’est de tomber dans l’illusion qu’il dénonçait lui-même naguère : croire que les montreurs d’ours ont un ours à montrer.