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Des mondes de musiques

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Ethnotest

Aggiornamento

 Epistemologix

Le gamin s’agenouille dans le confessionnal. Un guichet s’ouvre.

Le gamin distingue mal qui se cache derrière, mais il sait que c’est un ecclésiastique, tapi dans l’ombre sainte et moite et dont on ne voit que les pattes. Le gamin cherche quoi lui dire tout en lui taisant l’essentiel. L’essentiel, c’est qu’il se tripote la nuit, en pensant à la voisine du dessous. La question est de savoir jusqu’à quel point ça regarde l’ecclésiastique. Reste que l’essentiel, c’est le plus important.

Cela dit, ce n’est pas la peine de se confesser, si on planque ses péchés au confesseur.

Alors le gamin admet mezzo voce le ubi consuleris, passant sous silence le mature facto opus est : “j’ai eu des pensées impures“.

L’ecclésiastique n’est pas surpris. D’abord parce que le cas est prévu dans le De arte confessionnis (chapitre in adulescentibus castigandis) ; ensuite, parce que les pensées impures n’épargnent pas forcément le clergé. Ni des fois le maturum opus. L’ opus-cul, ut ita dicam. Après tout, c’est l’Eglise qui a fabriqué le mot “confesse“, joignant deux mots en un seul. Ça ouvre des perspectives à la foi. Celle qui agit (l’autre est-elle sincère ?).

En tous cas, la parole est au corrigé ecclésiastique : “nous ne devons pas avoir des pensées impures, car cela offense Notre Seigneur qui nous aime. Nous devons nous préserver pour la jeune fille que nous rencontrerons un jour et que nous épouserons. “

Ce corrigé induit deux remarques : d’abord le nous. Il évoque le on des infirmières : “on a pris sa température ? On se sent bien, ce matin ? “. D’où l’on déduit que l’infirmière elle aussi a pris sa température et se sent bien ce matin. Quant au curé, son nous révèle que lui aussi se garde pour la jeune fille qu’il rencontrera un jour. Ce on et ce nous sont généreux, car ils visent à ramener la brebis égarée au sein d’un troupeau. Alors qu’en réalité l’infirmière n’est pas là en tant que patiente ; quant au curé, il a quand même fait vœu de chasteté. Ce qui n’est pas forcément le cas du pénitent.

Seconde remarque : si à l’hôpital tout se claironne, dans le confessionnal tout se dit à voix basse. L’ado murmure, le confesseur chuchote. De sorte que le sacro-saint a quelque chose de malsain. Il y a de l’alcôve, dans un confessionnel. Mais bon, le pénitent se contritionne, récite son pensum et s’en va soulagé. Il retourne à la vie. Donc au péché. Conclusion : la confession n’est pas vraiment dissuasive.

Prenons du recul : c’est toute la pratique religieuse qu’il faut revoir. D’autant qu’elle est rien moins que lucrative, à une époque où le denier du culte ne rapporte pas plus que l’ISF. Il ne serait pas difficile de remédier à ces manques. Il suffirait d’aider le clergé à parler à haute voix, tout en lui assurant un niveau de vie satisfaisant. Le moyen d’y parvenir, c’est d’adapter la pratique religieuse au monde moderne.

La confession, par exemple, on la ferait chacun chez soi, par un simple clic sur internet : si vous avez péché par orgueil, tapez un. Fornication ? Tapez deux. Terminé ? Introduisez votre carte bancaire.

Mais la source de financement prioritaire, ça reste la pub – réduite à des cookies dans la confession sur le net. Il serait souhaitable de l’introduire dans la célébration des offices. Le célébrant annoncerait : lecture du saint évangile selon Saint Luc, mais d’abord une page de publicité. Et là, Saint Luc devient Saint Lucre : “je donne du Canigou à ma belle-mère, voyez comme elle a le poil luisant“ ; “avec Super-Omo, je deviens super sapiens“ ; “Grâce à Chanel numéro 5, personne ne s’aperçoit que j’ai bouffé des fayots“. Ça permettrait au trad de prendre dans le consensus culturel la place qui lui revient : “grâce à ma crème jeuniste, la ridée n’est plus qu’un mauvais souvenir“ ; “Wikipédia vous initie à l’ethnologie“ ; “Facebook vous aide à situer la mer des Sarcasmes dans la géographie du revivalisme“.

Là, on regagne l’Eden perdu. Exit Saint Lucre, re-bonjour Saint Luc. Bien sûr, l’analphabétisme qui règne sur les réseaux sociaux risque de mal orthographier le nom de l’apôtre. En inversant des lettres, par exemple. Auquel cas, bonjour Saint Cul. Mais chacun sait que l’envers, c’est les autres. Nous, on pète à l’endroit, vu que le paradis est en nous. C’est le lieu où chacun pense ce qu’il veut, à condition de penser comme nous (sinon il est intolérant). C’est le forum où nous sommes tous ego.

Bref, l’Eglise doit s’exprimer à haute voix et réserver dans la crèche de noël une petite place au veau d’or. Mais on peut aller plus loin : le sang du Christ suppose le vin. Donc des pots de vin. La majorité des officiants étant des bipèdes à pouce opposable, vous devez pouvoir graisser la patte du célébrant – celle qui ne vous tend pas l’hostie -, dès lors que le geste s’accommode de quelque dissociation.

A noter que rien de tout cela ne nuit aux exigences de l’Evangile : vos péchés continuent de vous être pardonnés, le pain azyme est toujours le corps du Christ et le vin son sang. D’autant que, l’Inquisition n’étant plus à l’ordre du jour, la plupart des ecclésiastiques se montrent attentifs à la faim dans le monde et aux besoins des pauvres, fermant les yeux sur les nécessiteux qui, s’étant avancés vers l’autel par l’allée centrale pour refluer ensuite par les bas-côtés, s’avancent à nouveau pour un complément alimentaire, qu’il faudra bien leur facturer une seconde fois. Voire une troisième, en augmentant le tarif.

Si l’Evangile y trouve son compte, c’est qu’une telle tarification pénalise surtout les riches, habitués à quitter la messe avant la communion pour n’avoir pas à faire la queue à la pâtisserie. Elle fidélise en revanche les plus pauvres, qui n’ont pas les moyens de s’acheter un saint-honoré. De sorte que Saint Honoré devient le patron des nantis, abandonnant Jésus aux plus démunis. Ce qui va dans le sens des Saintes Ecritures d’une part et autorise d’autre part l’âne et le bœuf à accéder de nouveau à leur ordinaire végétarien, dont celui de la messe les avait trop longtemps privés. Il suffisait au fond de remplacer les autels de la communion par les enclos de la communication : chacun y remâchouille ce qu’on lui a fait brouter, au sein d’un troupeau où l’on meugle et bave enfin entre ruminants. Même si les ânes n’ont pas les moyens de ruminer quoi que ce soit. Et qu’il s’avère difficile de leur couper le son.