Aller au contenu
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies notamment pour réaliser des statistiques de visites afin d’optimiser la fonctionnalité du site.
Des mondes de musiques

 En lisant avec gourmandise les articles de 5planètes.com, vous pouvez écouter Canal Breizh, en cliquant sur le logo.

 

 

 

 

 

 

 

Ethnotest

Devenir médiéval

Epistemologix

Un article de journal paru il y a quelques années nous présente un gars – dont le nom, de moi inconnu, importe peu à mon propos –, et nous informe qu’il est “un troubadour autodidacte, chanteur et compositeur de musiques traditionnelles et médiévales“.

Je me dis qu’il ne doit pas être jeune, le gars. Il a sûrement échangé avec Adam de la Halle, conseillé Guillaume de Machaut, fréquenté Marc’harit Fulup. Parce que sinon, il ne saurait être médiéval. Ni traditionnel.

On nous relate son parcours pour devenir médiéval : les scouts d’abord, puis le piano, la guitare et l’harmonica. Bref, le quadrivium, puis l’instrumentarium familier aux mérovingiens, aux carolingiens et aux capétiens directs. Ça lui a permis simultanément de “découvrir les musiques traditionnelles“ (on ne nous dit pas lesquelles), “aux côtés de musiciens renommés“ (au point que leurs noms ne sont pas cités). Ça lui a ouvert d’abord la possibilité de tourner six ou sept ans dans les “fêtes médiévales“ et ensuite de faire un tabac à la Star’ Ac’, où le jury – on ne le sait pas assez ‑ est particulièrement friand de musique médiévale. La preuve : “quand les quatre fauteuils se sont retournés, ça a permis de mettre un coup de projecteur sur ma musique“. Donc sur la musique médiévale. Du coup, “quand je passais à la télé, le cardiogramme d’internet s’affolait“. Il va falloir mettre un pacemaker à internet, trop shooté au médiéval. Et au traditionnel, car : “il y avait une place pour la musique traditionnelle, je l’ai prise“. Il doit s’y sentir un peu seul, à mon avis, puisque personne d’autre que lui ne s’intéresse à la musique traditionnelle. Sauf ce grand public, qui en raffole à son insu et attendait qu’enfin quelqu’un s’en occupe. Car notre époque “est très peu évolutive, on s’emmerde un peu“. C’est sûr que le Moyen Âge, ça bouge tout le temps, ça n’arrête pas d’évoluer. On s’emmerde moins. Raison pour laquelle “les fêtes médiévales ont toujours existé“. Oui, mais surtout au moyen Âge, en fait. En tous cas, notre troubadour adore “jouer dans des églises (…), ça permet au public de pouvoir regarder de belles choses autour“. Autour ou à la place ? Parce que se mater des confessionnaux plutôt que la vedette qui nous affole le cardiogramme, ça suggère qu’on a du péché à se faire pardonner. Qu’on se repent de quelque chose. D’être venu au concert, peut-être ? Et si c’est l’ossuaire que vous admirez, ça fait déjà moins vivant, comme célébration. Plus médiéval, certes. Ou plus traditionnel. Mais moins vivant.

Alors bien sûr, on comprend que le médiéval, pour cet autodidacte adulé par les foules, c’est le moyenâgeux. Et que le traditionnel, c’est ses compos. Il suffisait de s’entendre sur les mots. De décréter que File la laine est médiéval ; et Colchiques dans les prés traditionnel. Mais quand même, ça rend le dialogue difficile. Et on en vient à se demander si le gars, soit dit sans offense, ne gagnerait pas à être un peu moins autodidacte.