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Des mondes de musiques

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Ethnotest

Evolutions

Epistemologix

D’abord, vous avez ceux qui disent que le père Noël n’existe pas.

Que c’est les parents, en vrai, qui vous mettent un colt en plastique dans le chausson bleu, une poupée Barbie dans le rose. Ensuite, il y a ceux qui affirment que si, il existe. La preuve : ils l’ont rencontré. Même qu’il a une barbe blanche et une robe rouge à capuchon. Et même que des tas d’enfants se faisaient photographier avec lui (le vieux saligaud les avait fait assoir sur ses genoux). Et puis vous avez les évasifs, du genre : je ne dis pas qu’il n’existe pas, je ne l’ai pas vu personnellement, je n’ai pas fait d‘études particulières à ce sujet, de toute façon, il s’agit là d’un détail de l’histoire.

Parmi ceux qui nient son existence, tous ne nient pas pour autant l’avoir rencontré. Mais jamais sur un toit, en train d’enjamber la cheminée, son traîneau à rennes dans le parking visiteurs. Ni même l’été, en train de faire l’aire neuve en Finlande en attendant l’hiver. Non, c’est une personnalité qui se manifeste plutôt à Auchan, en dehors de ses heures de travail. Aux yeux de ces sceptiques, la barbe est en coton et sous la houppelande rouge, on voit dépasser un jean et des Nike. Ceux qui ne sont pas daltoniens ajoutent que le père Noël annonce clairement la couleur : rouge et blanc, comme Coca-cola. Les autres ne voient rien.

Ceux qui décrètent le père Noël bien vivant sont soit des enfants, soit des menteurs. Mais il n’est pas exclu que certains parents finissent eux-mêmes par y croire, à une époque où ce sont de plus en plus les jeunes qui expliquent le monde aux vieux. Style : mais non, papy, on ne peut pas téléphoner avec une télécommande, voyons ! Mais si, mamy, les couches jetables, je t’assure que ça existe ! Alors le père Noël, pourquoi pas ?

La vraie question – comme disent les politiciens –, c’est de savoir ce qu’on entend par exister. Qu’il y ait là un gars en chair et en os en train de crever de chaud avec son Damart sous sa parka-cola, c’est sûr. Mais ce gars-là est-il vraiment le père Noël ? Est-il venu en traîneau ? A-t-il pour sous-vêtements un jean et des Nike ? Et si oui, pourquoi ? Ou bien est-il autre chose, avec sa fausse barbe, qu’un imposteur bien venu ? Et vite reparti, le spectacle terminé, impatient qu’il est de se brancher la clim dans sa Renault sans renne (car les mots sont trompeurs).

C’est une très bonne question – comme diraient les politiques. Pour y répondre, élargissons le débat. Les sociologues – qui étudient ce que les gens font, ce que les gens disent et pourquoi ils ne font pas ce qu’ils disent ], les ethnologues – qui cherchent à comprendre en quoi un métissage exogène n’est pas endogène – et les historiens – venus sur le tard, car un historien venu trop tôt serait impropre à la discipline – sont tous arrivés à la même conclusion (ce qui est méritoire, car leurs cheminements sont distincts : ici, pas trace de ces “recherches collectives sur programme“ dont le but est de faire avorter toute recherche sérieuse, par nature individuelle). Leur conviction, c’est que le père Noël a remplacé quelqu’un d’autre, qui s’appelait Saint Nicolas. C’est cet homme-là, jadis vénéré par une civilisation ancienne, qui aurait disparu. On aurait mis le déguisé à sa place. Coca-Cola dément : il n’y a pas eu substitution, mais évolution. Saint Nicolas a seulement changé de nom et le père Noël est son visage actuel. Car de tous temps Saint Nicolas n’a pas cessé d’évoluer : le petit Nicolas est de venu ado, puis jeune homme, puis homme mûr, puis saint. A terme il est devenu le père Noël, sans être jamais mort entre temps. Sa cocanonisation atteste sa légitimité. Bref, c’est pour pérenniser la foi religieuse que les marchands sont revenus dans le temple. C’est eux qui nous chantent la messe. Y a qu’à voir la musique diffusée dans les supermarchés vers noël : “il est né le divin enfant“, “des anges dans nos campagnes“, “sainte nuit, douce nuit“, c’est fou ce qu’on est pieux dans le commerce. Les affaires à Auchan, c’est le pardon d’aujourd’hui et dans “foire“ on retrouve “foi“, développé par chute d’une fricative issue d’un sygma rotacismique non accentué avec allongement compensatoire.

Merci, Coca-Cola, de nous envoyer ce signal fort – comme diraient les politiques. Et méditons ensemble cette vérité profonde, universelle et intemporelle : trop de tradition tue la tradition. Comme dirait Chirac.