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Des mondes de musiques

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Grand Prix du disque de l'Académie Charles Cros

2017 - 70 eme année

Pour ce cru 2017, on peut citer dans le désordre : Michaël Levinas, Irvine Arditti, Fred Hersch, Jane Birkin, Anaïs Constans,Presque Oui, Camille, François Morel, Nicolas Jules, Didier Petit-Claudia Solal-Philippe Foch, Jacques Frantz, Loïc Lantoine, Camille Ardoin, Jerôme Comte-Denis Pascal, Gaëlle Arquez, Marc Monnet,Dee Dee Bridgewater, Susanne Abbuehl-Stephan Oliva-Oyvind Hegg-Lunde ....Et pour les musiques du monde ....

Academie Charles Cros

70e Grand prix du disque et du Dvd 2017

Musiques du monde :

In honortem interprètes :

Angélique Kidjo : pour l’ensemble de sa carrière,

à l’occasion de la publication en français de

“La voix est le miroir de l’âme” : Mémoires d’une diva engagée

(1 Livre Fayard)

Angelique Kidjo et Youssou N'dour photo DR

 

ANGELIQUE KIDJO : SAUCE COMBO ET DROITS HUMAINS

par Frank Tenaille

« Son père lui disait : « J’ai un petit salaire et ta mère déploie des talents d’ingéniosité pour que vous puissiez manger trois repas par jour et que votre scolarité, vos livres, vos uniformes, soient payés. La seule richesse que je peux vous donner, c’est une éducation. Ce que vous en ferez après, ce sera votre choix. Mais je veux faire de vous des hommes et des femmes de raison ».

Ce qu’elle en a fait est salué ici. C’est à dire, autant une trajectoire musicale qui part de Cotonou et visite les salles les plus prestigieuses du monde (comme le Carnegie Hall, l’Albert Hall ou l’opéra de Sydney), qu’une éthique avec sa constance dans un monde du spectacle si souvent versatile.

Dans son livre, Angélique Kidjo raconte comment elle découvre l’histoire de l’esclavage à 9 neuf ans, elle qui est née dans un pays qui fut au cœur de la Traite, puis l’Apartheid à 15. Ce sera le motif de sa première chanson que ce père l’incite à réécrire, tant pour lui, la haine et la violence doivent laisser la place à une positivité tirée de la douleur. Le rôle d’un artiste étant d’unir les gens.

Angélique Kidjo n’a jamais perdu ses colères mais en a fait des onguents, des messages d’émancipation, des motifs de persévérance. Et celle qui aurait voulu devenir avocate spécialiste des droits de l’homme, inspirée par Myriam Makeba, a fait le parcours qu’on lui connaît, devenant une des artistes phare de la Francophonie. Une artiste qui a mis sa notoriété pour au service de l’Unicef ou de sa fondation, Batonga, qui délivre des centaines de bourses à des écolières pour les faire accéder à l’enseignement secondaire.

Droits humains, droits des femmes (de la lutte contre l’excision aux mariages forcés), liberté d’expression, justice pour les opposants politiques, bataille contre la transfiguration de l’Histoire, Angélique Kidjo n’a cessé de s’impliquer pour ceux qui n’ont pas droit à la parole. Comme elle n’a eu de cesse de rappeler que son continent était bien le berceau de l’humanité et que les femmes en sont la colonne vertébrale.

Je l’ai connu dès son arrivée en France, au début des années 80, membre du groupe Pili-Pili du pianiste de jazz hollandais, Jasper Van’t Hof. Puis bâtissant son répertoire, grave ou enjouée, avec Jean Hébrail, philosophe et musicien, son époux depuis plus de trois décennies.

Reine de la sauce gombo et lectrice du « Monde diplomatique », elle était déjà ce joli personnage, électrique et tendre, que l’on a vu aux côtés de Nelson Mandela ou susciter un immense frisson, lorsque après l’élection de Trump, devant des milliers de femmes rassemblées à Washington, elle chanta la célèbre chanson de Sam Cooke, A Change is Gonna Come.

Quand à sa philosophie musicale que nous saluons aujourd’hui, il est bon d’insister sur un point. Si elle s’est installée aux Etats-Unis au début des années 90 et a élargi le spectre musical de sa musique au jazz, à la pop, au rhythm’n’blues, aux couleurs brasilo- caraïbéennes, elle est restée toujours fidèle a l’ADN de sa culture vaudou et francophile invétérée, quelle que soit les reproches adressé à une Francophonie institutionnelle jugée frileuse par rapport aux attentes qu’elle suscite. De fait, contre une mondialisation sans principe et souvent amnésique, Angélique Kidjo a bien défendu les vertus d’une diversité culturelle, incarnée par les peuples, leurs langues et leurs imaginaires. Celles aussi du temps long et de la mémoire. Et celle d’une citoyenneté qui refuse la marchandisation du monde.

Chère Angélique Kpasseloko Hinto Hounsinou Kango Manta Zogbin (le sang d’une lanterne ne peut allumer une flamèche) l’Académie Charles Cros est fière de vous décerner un Grand Prix In honorem des Musiques du monde pour l’ensemble de votre carrière ».

 

 

 

A filetta photo DR

Grand prix international du disque

A Filetta avec Paolo Fresu et Daniele di Bonaventura

Danse mémoire, danse

(1 CD Tuk Music)

 

A Filetta : 40 ans de cohérence musicale absolue.

 Par Frank Tenaille

« Danse, Mémoire, Danse », le dernier album du groupe corse A Filetta a pour thème les regards croisés de deux deux êtres d’exception: Aimé Césaire, écrivain, poète, dramaturge, d’origine martiniquaise, et Jean Nicoli, enseignant, résistant, exécuté en 1943 à Bastia par l’occupant fasciste italien. Que peuvent avoir en commun l’immense poète et le modeste instituteur ayant enseigné au Sénégal avant de rentrer en Corse pour y devenir l’un des chefs de la résistance ? Tous deux sont des insulaires, attachés à leur terre natale et homme du refus. Ils rejettent le colonialisme et les souffrances infligées aux plus faibles. Si A Filetta et leurs complices (le trompettiste Paolo Fresu et le bandonéoniste Daniele Di Bonaventura) ont décidé de rapprocher ces deux témoins, c’est pour rappeler que pour ces hommes il y avait l’idée pour laquelle ils ont vécu : celle d’un monde plus juste, plus libre, plus respectueux des différences, plus équitable, plus solidaire.

Ainsi vont les A Filetta, creusant le sillon d’une quête éthique et d’une création jamais prises en défaut. Une création qui marie la fidélité à un bout de planète et le besoin du grand espace qu’est l’Autre. Des voix tressées par le partage et l’humilité et la curiosité de l’ailleurs. Si en matière de musiques du monde on veut rencontrer « le local et l’universel » cher au poète Miguel Torga, il faut écouter, voir, ce groupe unique, célèbre dans le monde pour des créations qui ont croisé le cinéaste Bruno Coulais (voir les films « Himalaya », « le Peuple migrateur », des opéras), l’ensemble Conductus, les percussionnistes japonais du Kodo, le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui, le chanteur de maloya Danyel Waro, des metteurs en scènes de théâtre. Sans parler des milliers de musiciens de toute la planète qu’ils ont invités a leur festival merveilleux, les Rencontres Polyphoniques de Calvi.

En 2018, A Filetta va fêter ses 40 ans d’existence. 40 ans d’un arc-en-ciel musical qui va de la paghiella au chant sacré, de la polyphonie contemporaine à la musique de film, avec une cohérence absolue. A travers ce prix, d’une certaine manière, l’Académie Charles Cros, leur fête en en avance un joyeux anniversaire.

Les membres du groupe

Jean-Claude Acquaviva, Jean Sicurani, membres fondateurs, José Filippi (de 1983 à 2012), Paul Giansily en 1984, Maxime Vuillamier en 1989, Jean-Luc Geronimi, (de 1997 à 2013), François Acquaviva (neveu de Jean-Claude) (de 2006 à 2013), Stéphane Serra et François Aragni (depuis 2013). Auxquels il faut ajouter l’omniprésente Valérie Salducci et citer également Pierre Bertoni, Jean-Marc Pellegri, François Croce et Jean Antonelli, qui participent ou ont participé de façon plus irrégulière aux activités du groupe.

(1 Livre Fayard)