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Des mondes de musiques

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Jacques Vassal

FOLKSONG

Etienne Bours

C’est une actualité et non des moindres : le livre Folksong de Jacques Vassal vient d’être réédité par les Fondeurs de Briques

 

Photo d'ouverture : Jacques Vassal (DR)

Pour mémoire, la première édition, chez Albin Michel,  date de 1971. Le titre n’a guère changé mais le sous-titre a évolué. Ce fut d’abord « Une histoire de la musique populaire aux États-Unis » et c’est aujourd’hui « Racines & branches de la musique folk anglo-américaine ». 50 ans se sont donc écoulés entre la première édition et celle-ci mais Albin Michel lui consacra plusieurs éditions successives dont la dernière en 1984 portait quasi le même sous-titre. 50 ans ! Souvenez-vous du début des années 70 en France, le mouvement folk s’ébrouait, musiciens et chanteurs des régions de l’Hexagone creusaient des veines que l’on croyait enfouies à tout jamais dans des mines désertées. La musique folk, trad – appelons là comme on veut – nous prenait par la main, par les cheveux, par la barbe… pour nous emmener sur d’autres chemins, ceux des traditions toujours prêtes à se donner aux évolutions des générations nouvelles.

50 ans ! et Philippe Krümm, il y a quelques jours, nous offrait un nouveau podcast ennobli de la présence de Simon & Garfunkel avec un extrait d’un album sorti en 1970. Ces cinq décennies méritent qu’on s’y arrête, bon sang. Ce mouvement folk, cette histoire, cette cure de jouvence apportée à des musiques que d’aucuns disaient anciennes, obsolètes, dépassées, ringardes… fut bénéfique à l’ensemble des courants musicaux. Et le livre de Jacques Vassal est là, au bon moment, pour nous le rappeler.

1ere de couv. de Folksong.

Bien sûr, le folk américain s’est développé bien avant 1970, il a baigné dans une histoire sociale, dans des luttes politiques, dans un contexte économique, dans un élan d’affirmation de libertés et de droits. Il a tissé, avec ses précurseurs, une trame dont les mailles se sont serrées au fil des années, offrant dès les années 60 une sorte de patchwork d’expressions populaires auxquelles chanteurs et musiciens s’en allèrent puiser sachant qu’elles étaient là pour ça, qu’elles appartenaient à tous – « they took it for granted » me disait un jour Martin Carthy à propos du même phénomène en Grande Bretagne. Et, bien évidemment, quand Jacques Vassal a publié la première édition de ce livre, la matière était déjà dense. De nombreuses racines avaient donné de nombreuses ramifications. L’histoire du mouvement était claire déjà mais loin d’être terminée. Très loin ! comme le prouve cette nouvelle édition.

Excusez du peu mais j’ai bien envie de vous dire que ce livre est essentiel.

Tenez, en 1971, j’ai acheté le bouquin et il est devenu mon livre de chevet au détriment de mes chères études universitaires. Je l’ai lu et relu et, surtout, j’ai écouté tout ce qui y était mentionné – j’avais certes débuté ce genre d’écoutes avec Dylan notamment, avec quelques bluesmen, un peu de Pete Seeger et de Buffy Sainte-Marie mais, en cours de lecture, j’ai développé dans toutes les directions. A fond la caisse ; merci Jacques. Le disquaire était en face de l’université et le café où nous refaisions le monde juste à côté. Facile. On y parlait musique entre chevelus, notamment avec un de mes meilleurs potes, étudiant en droit comme moi, et qui, des années plus tard, arrêtera Dutroux et Fourniret. Ca ne s’invente pas ! Et, lui comme moi, nous aimons toujours Seeger, Guthrie, Dylan…

Alors aujourd’hui, ces musiques sont loin d’être oubliées, elles ont une histoire extraordinaire, elles ont joui d’un mouvement essentiel et elles ont littéralement essaimé. Il est donc encore temps, mais plus que temps, de lire cette histoire du folksong. D’autant que ni l’auteur ni l’éditeur ne se moquent de nous. Le livre paru en 1971 comptait 348 pages, celui-ci vous en offre 682. Près du double et, qui plus est, de plus grandes pages. C’est que notre ami Jacques n’a pas lésiné sur le travail. Tout est revu, développé, réétudié, actualisé. Certes on y retrouvera une structure relativement identique dans l’articulation des chapitres mais on relève de suite de nombreuses subtilités dans les changements. Un exemple me saute aux yeux dès le début. Jacques y parle des musiques indiennes et développe son chapitre en nous donnant beaucoup plus de faits, de statistiques, d’analyses et de citations. S’il nous parlait de Buffy, de Peter La Farge et de Patrick Sky (sans oublier une porte ouverte vers Alanis O’Bomsawin et Henry Crowdog), aujourd’hui il développe son analyse avec Floyd Westerman, John Trudell, Pura Fé… Et je pourrais m’amuser à vous en dire autant avec des exemples différents pour chaque chapitre. Il y a 50 ans, par exemple, il consacrait une demi page à l’Irlande et autant à l’Ecosse dans le chapitre dédié aux traditions blanches. Aujourd’hui l’Irlande a droit à 7 pages, et pas n’importe lesquelles croyez-moi, et l’Ecosse en a 4 tout aussi fouillées. En fait, chaque chapitre est étoffé, y compris celui consacré à la génération des années 60 ou encore celui sur Dylan et plus loin celui consacré aux « enfants électriques » de Dylan. Une source formidable, qui s’en va puiser loin à de multiples ramifications. Je note, par exemple, le développement consacré aux sœurs McGarrigle ou à Bruce Cockburn, certes Canadiens mais oh combien indispensables dans une telle histoire.

Mais je dois faire un aveu : je n’ai pas encore lu tout ce nouveau livre. Je l’ai parcouru en tous sens, je me suis délecté de surprise en surprise, j’ai été étonné de rencontrer des noms que je ne connais pas, surpris d’en trouver d’autres si bien placés. De sorte qu’il m’a paru utile de vous conseiller ce livre dès à présent. J’y retrouve le sérieux de l’auteur qui n’a pas coutume d’improviser ou de donner certaines informations sans les avoir contrôlées. Les développements consacrés aux 50 années passées depuis la première édition sont irréprochables et passionnants ; ce qui explique évidemment l’augmentation du nombre de pages. Signalons également un chapitre très riche sur la renaissance du mouvement en Grande Bretagne. Jacques évite, cette fois, de consacrer quelques pages à la France – nous ne sommes plus en 1970 et les développements des musiques folk et trad en France méritent un livre qui nous raconterait ces 50 années ; avis aux amateurs !! Je tiens, en réponse à ce pavé lancé dans « la mare au diable », à rappeler deux excellents livres sortis il y peu pour la Bretagne : Les sœurs Goadec de Roland Becker et Un Monde de Musique Bretonne de Pascal Lamour.

Roland Becker presente les soeurs goadec - Photo DR

Pascal Lamour présente un monde de Musique Bretonne -Photo DR

Pour vous présenter ce livre de Jacques Vassal, je m’y suis donc plongé en une sorte d’apnée courte mais enivrante. J’ai refusé volontairement le piège habituel des journalistes qui prétendent avoir lu un livre mais dont on sent, à la lecture de leur chronique, qu’ils ont surtout épluché les index. Ceux-là diront immanquablement que vous ne parlez pas de machin ni de chose ou que vous êtes très partial parce que vous citez untel 47 fois… (Ca sent le vécu ce que je vous raconte là !). Alors, ici, après avoir lu, parcouru, exploré, comparé avec la première édition, cherché par le biais de la riche table des matières, je me suis autorisé un nom, un seul, dans l’index et je n’ai pas du tout été déçu. Il s’agit de Martin Carthy que j’avais réécouté quelques heures auparavant et qui, pour diverses raisons que Dylan et Paul Simon (notamment) reconnaîtront, méritait une place ici. Non seulement il est à cette pace mais bien plus encore au sein de ce très beau livre.

4eme de couverture de Folksong

Beau livre agrémenté d’illustrations en noir et blanc de la plume de Nicolas Moog. Le dessinateur allie poésie et efficacité comme l’attestent, notamment, ses portraits de Phil Ochs et de Townes Van Zandt.

Vous savez maintenant quel livre vous allez lire cet été – il vous conseillera des centaines d’heures d’écoute. Vous savez donc également ce que vous écouterez cet été, cet automne, cet hiver…