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Des mondes de musiques

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Les vielles à roue françaises au 18ème siècle

Exceptions culturelles et usages de lutherie

Philippe Krümm

Concernant les instruments de musique, on les aime ces fascicules sur des sujets de "niches"… Ouah ouah !  Qu’il est laid ce mot, alors que cet opuscule (Oui, je travaille mes synonymes) est simplement formidable. Françoise Sinier de Ridder fait une sorte de bilan de ses connaissances acquises comme restauratrice d’instruments au fil des ans (50 ans) pour un ovni musical qui l'a toujours intéréssé : La vielle à roue.

Rencontre avec une femme passionnée, faisant partie aujourd’hui, avec Daniel, son mari, de l’histoire de la musique contemporaine vu le travail, de "sauvetage" effectué, sur des centaines d'instruments de musique historiques en tous genres. Ils ne se disent pas luthiers mais restaurateurs, métier indispensable pour que les futures générations découvrent des instruments de musique fantastiques comme les vielles à roue .

 

Daniel et Françoise Sinier de Ridder

Comment deviens-tu restauratrice d’instruments de musique, métier rare et complexe ?

Complètement par hasard, je sortais avec Daniel, qui n’était pas encore luthier mais qui commençait déjà à y penser sérieusement. Mes projets de vie future étaient dans un flou artistique, alors que les siens étaient précis. On a décidé, d’un commun accord, de faire les siens en premier, pour moi, on verrait après.

Au fil du temps je me suis prise au jeu. Ça m’a beaucoup plu. J’ai découvert un milieu composite, très bizarre, très spécial, qui était loin de mes formations mais assez attachant avec d’une part les musiciens, d’autres parts les collectionneurs… Et aussi n’oublions pas les institutions. Tout cela fait un petit méli-mélo bien agréable à vivre, pendant, à ce jour : 50 ans !!!

On ne va pas parler des 50 ans mais de ta première rencontre avec une vielle à roue ?

On savait ce que c’était. On en avait vu dans les musées, sur des tableaux, un peu à droite à gauche. Nous allions aux puces de Saint-Ouen, les Reines des puces ; les plus belles ; les plus grandes... Surtout dans les années 70 ! Un ami Michel Samoyault avait une vielle absolument à l’état d’épave. Probablement que l’on devait à l’époque le faire rigoler en tant que jeune couple innocent et assez prétentieux...Du genre : « On va être luthier. on va restaurer les instruments historiques". Il nous l’a vendu une somme raisonnable pour une épave mais belle et ancienne. Nous l’avons restauré ! Le cycle a commencé comme ça.

Au fil du temps vous avez des luthiers de vielles favoris ?

Oui ! On voit des noms mais avant de voir des noms, on voit des familles et puis des époques. On voit les vielles de mendiants sur l’iconographie; on se dit : "Mais enfin comment les mendiants pouvaient s’acheter un instrument aussi compliqué, aussi onéreux ou il faut les deux mains pour la faire sonner, alors qu’une crécelle ou un tambourin auraient certainement fait l’affaire".

Extraits du livre "Les vielles à roue françaises du XVIIIe siècle".

Après il y a le 17/18ème siécles, c’est un instrument qui est tellement à la mode dans le grand monde avec un incroyable succès . Tout ce petit monde en veut une et dans de nombreuses couches de la société. C’est curieux ce sera un phénomène fulgurant car après, au 19ème, on rentre dans le folklore.

Mais c’est un instrument de montage au 17/18ème et certainement une partie du 19e, la tête est faite par un atelier, les marqueteries dans un autre, la ferraille : l’axe et la roue dans un troisième , les chevilles chez un tourneur... C’est un instrument qui cumule beaucoup de compétences différentes assemblées et en plus c’est un instrument que l’on peut qualifier d’anti lutherie par rapport à d’autres avec ses chevalets collés sur la table, collés sur la barre elle-même collée avec l’âme collée au fond, tout cela dans de belles épaisseurs de colle alors que dans tous les instruments de la mandoline au violon ou au cistre la table est libre de vibrer et la caisse renvoie le son. La vielle ça ne marche pas comme ça .

Françoise Sinier de Ridder à l'entrée de la boutique, passage Véro-Dodat à Paris en 1976.

Plusieurs centaines de vielles sont passées par l’atelier as-tu dans les luthiers de vielles des préférés ?

Des écoles ou plutôt des dynasties : les Louvet, extrêmement belles, sophistiquées, avec des bois précieux, des marqueteries de luxe. Ce sont les Louis Vuitton de l’époque. (Rires) Les Lambert nous plaisent beaucoup. Déjà l’histoire de Jean-Nicolas Lambert et de sa femme Anne charlotte c’est passionnant. Ils travaillent vraiment sur le long terme. Un seul atelier n’a pas fait toutes ses vielles, ça c’est impossible. Ils avaient de l’aide. iIs prenaient des morceaux ailleurs. Notre jeu de passionnés c’était de trouver leurs fournisseurs, qui ? quand? comment ? pourquo ?i et dans quelles proportions ? …Refaire l’histoire de ces instruments. 

Les petits artisans, souvent comme Saunier, faisait d’autres instruments : des mandolines, des guitares, des très belles vielles mais en quantité plus modeste. On peut trouver quelques dizaines de vielles, peut être quelques centaines mais pas des milliers. Les instruments des facteurs parisiens sont souvent plus sophistiqués. Il y avait beaucoup de grands sous-traitant mais surtout la clientèle aisée.

Parle-nous de cette édition ?

C'est un fascicule ou j’ai essayé de mettre noir sur blanc, mais avec des photos couleurs (Rire), la vie des luthiers de vielles . Ce n’est pas sur le fonctionnement de l’instrument ni un ouvrage de musicologue; d’autres font cela très bien. Comment marchait les ateliers ? les sous-traitants, les ouvriers, les clients. je parle des corporations extrêmement puissantes et aussi les litiges entre professionnels, les faux, les malversations, les accidents ...Toute la vie d’une profession à une époque.

C’est un peu cette histoire-là que j’ai voulu raconter par le biais de la vielle, parce qu’il y a beaucoup de fantasmes, surtout sur le 18eme qui est la période vraiment unique avec une incroyable mode pour ce drôle d’instrument. C’est difficile à imaginer aujourd’hui. Il y a eu à cette époque comme on dirait un écosystème avec ses influenceurs.

Nombre de vielles ont été fabriquées en prenant des instruments ringardisés comme les guitares 17eme ou les luths qui se jouaient de moins en moins et donc ils ont recyclé les caisses de ces instruments pour en faire des caisses de vielles.

On dit que c’était emmené par bâton qui était un musicien très à la mode; la star du moment. Mais on ne le trouve en tant que luthier dans aucune corporation, ni aucun procès ou autre évènement lié à la lutherie de l’époque. En tant que musicien il est bien là. C’était un prescripteur et pour satisfaire le marché en plein essor les caisses de luth et de guitare sont devenues des vielles. On en trouve beaucoup de nos jours. Et parfois on trouve les signatures de l’instrument d’origine à l’intérieur.

Votre métier ?

La restauration pas de fabrication ! Plus c’est cassé plus on est content. (Rires)

Des gens importants dans votre parcours professionnel ?

Il y en a eu beaucoup, mais en tout premier lieu Alain Vian car il nous apprit tant de choses. Il nous disait "allez voir cette dame. Demandez-lui à voir tels ou tels instruments ; c’est dans la vitrine de gauche en bas à droite." On a eu grâce à lui accès à des pièces originales de très grand facteurs. Ça nous a beaucoup servi pour comprendre et restaurer des instruments qu’il nous donnait à restaurer. Il était magnifique!

Et puis Michel Samoyot celui qui nous a vendu notre première vielle. On s’est fréquenté pendant 40 ans avec beaucoup de plaisir. On a pas mal restauré pour lui. C’était un grand collectionneur. iI nous a recommandé auprès de nombreux amateurs d’instruments pour des restaurations.

Beaucoup de gens du violon, qui au début nous ont pris un peu de haut avec nos mandolines, nos vielles, nos guitares et autres cornemuses …Ils nous ont beaucoup aidé et encouragé par la suite. Je pense à Bernard Millant notamment  par la rigueur et la précision de ses expertises qui existaient dans les instruments du quatuor mais à l'époque très peu pour les autres instruments.

Bernard Millant

Des regrets ?

Un regret : les musées qui enferment les instruments de musique.  Le Victoria et Albert museumde Londres avait une incroyable salle pour des instruments extraordinaires, aujourd’hui tout est invisible, dans des réserves à droite à gauche, c’est horrible ! Le musée de La Haye a aussi fermé la salle des instruments de musique. Il faut maintenant prendre rendez-vous. C’est très compliqué voire impossible. Et même à Paris aujourd’hui les expositions : c’est Renaud au Jacques Brel. Avant il y avait plus de place pour de belles expos sur les instruments. Ce n'est presque plus axées sur les instruments mais sur la variété (rires). Sérieusement, pour l’éveil à la musique, les découvertes, la curiosité, toute une richesse instrumentale incroyable, ça nous manque !

 

Parution de Françoise et Daniel Sinier de Ridder 

la Guitare tome 1 , Paris 1650/1950 
la Guitare tome 2 : Mirecourt et les provinces françaises
la Guitare Addendum (mise à jour du tome 1) 
La Guitare Espagnole 
les vielles à roue françaises au 18ème siècle

et en préparation la mandoline française

 

Renseignements pour se procurer : Les vielles à roue françaises du XVIIIe siécle - Exceptions culturelles et usages de lutherie : CLIC