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Des mondes de musiques

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MaréeMusique

Un label québécois pour l’histoire

Philippe Krümm - Photo ouverture Vicky Michaud

Rachel Aucoin et Sabin Jacques, respectivement pianiste et accordéoniste à la scène comme à la ville, se sont donnés les moyens, depuis quelques années, de faire vivre un label principalement consacré à certains musiciens historiques, mais aussi à des jeunes qui font vivre et régénèrent cette belle histoire des musiques populaires québécoises. Rencontre avec Sabin Jacques, brillant accordéoniste gaucher.

Comment vous vient l’envie de créer un label ?

Quand on a parti l’association Maréemusique en 2011, on avait beaucoup d’idées sur ce que l’on voulait faire de notre musique dans la région de Bellechasse : On voulait partir une école de musique, des soirées de danse, faire un jam dans un lieu commun pour faire vivre notre musique et amener la communauté à venir danser - Ça c’était au Bistrot-Bar la Barricade à Lévis, puis organiser un camp musical : amener des gens à fréquenter des professeurs de tous les arts des musiques traditionnelles : piano, accordéon, violon… À force de se rencontrer et de discuter de plein de choses, à un moment donné on a eu l’envie de faire du collectage, mais d’une manière que je dirais ciblé.

Mais où est Bellechasse ?

 

C’est à dire aller chercher certains personnages vivants qui font de la musique ou du chant. À un moment donné Léo Doiron, fameux accordéoniste de Saint Raphaël, est arrivé chez nous avec une cassette ! : « Sabin ! Peux tu me mettre du piano la dessus et me faire un CD avec ? » Je regarde Rachel ? Et : « Oui! Je pense que l’on peut faire de quoi ».

Le label est né comme ça. Léo n’est pas venu en studio pour enregistrer mais ce fut notre premier CD dans la « collection Héritage ». Léo quand il était sur une bonne « vibe » allait dans son local de pratique. Il mettait son cassette en marche et il se collectait lui même ! Il appuyait sur « record » et quand la tune magique était terminée. « Crunch ». Sur la cassette on entend le gros bruit du piton « stop » de son magnétophone. C’était toutes les meilleures versions de chacune de ses pièces. Rachel a mis son piano la-dessus.

Moi j’ai fait du nettoyage, rééquilibré son instrument. J’ai réussi à faire une numérisation intéressante. Je pense que cela à donné un disque fort correct (Léo Doiron -un souvenir – Accordéon diatonique québécois - 2013) avec l’accompagnement qui a été fait quelques temps après ses enregistrements. Suite à cela ça nous a donné l’idée d’aller plus de l’avant, ne pas faire qu’un seul album. On est donc allé vers d’autres musiciens dont le frère de Francine Desjardins. Un Monsieur, Gérard Marois (violoniste), qui est assez articulé, qui se promène beaucoup dans le coin et qui est ami avec tout le monde, lui il courait les galas folkloriques, il parle avec tout le monde. Il a du plaisir à ça. Il voulait faire un album. Il est arrivé chez nous parce qu’il avait entendu parler de notre premier disque.

On l’a enregistré chez nous, à la différence du disque de Léo Doiron c’est que le piano de Rachel était enregistré en même temps que son violon. C’était vraiment une belle expérience de studio. Il avait vraiment apprécié. En post-synchro on a fait la contrebasse avec François Guilbault. Ça donnait un projet un peu plus costaud au niveau du son que le projet de Monsieur Doiron. Gérard Marois c’était le deuxième album, le début de la collection. (Gérard Marois – Musicalement vôtre - Violon traditionnel québécois – 2013)

On a continué avec différentes personnes du territoire qui ont vraiment marqué la musique traditionnelle dans tout le beau secteur de Bellechasse et même un peu plus large : Francine Desjardins - Tout simplement - accordéon traditionnel québecois - 2016 et Réjean Lizotte - L'ultime album accordéon traditionnel québecois - 2017 … Puis on a eu Monsieur Jean-Paul Guimond avec qui on a fait un album de chansons. La rencontre s’est faite par l’entremise de Denis Maheut. Puis je suis aller à Québec. On a coordonné ça. On a enregistré à la maison. Il y avait des chanteurs avec lui. C’est un disque entièrement a capella, pas d’accompagnement, que les voix. C’est vraiment intéressant. Ça fait un beau document. (Jean-Paul Guimond - Fournisseur officiel – Chansons traditionnelles québécoises – 2015)

Le label a continué de se développer, tranquillement, toujours avec des musiciens bien intéressants. Le but est vraiment de préserver autant le répertoire que le style et l’interprétation de ces musiciens. On ne leur donne aucune directive. On leur donne carte blanche. Amusez vous. Faites ce que vous voulez. On enregistre. On a du plaisir. C’est comme cela que l’on bâtit notre collection.

Sabin Jacques - Photo Vicky Michaud

Je vois que le dernier disque à pour accordéoniste : Sabin Jacques avec Rachel Aucoin au piano (« Grandes Rencontres » un hommage à Philippe Bruneau (2018) ?

Rires. Ah oui, lui Sabin, c’est un très très vieux. Il ne joue plus de la main droite juste de la main gauche. (Sabin Jacques est un des rares accordéonistes à jouer avec un accordéon pour gaucher : clavier mélodique à gauche et basses à droite. ndr) C’est premièrement un plaisir personnel du fait que j’ai grandi dans cette musique la. Ça fait 30 ans que j’assiste à des concerts un peu partout, mais le premier concert auquel j’ai assisté c’était celui de Philippe Bruneau. Il était avec la merveilleuse pianiste Dorothée Hogan.

Je pars de Saint-René de Mathan pour aller jusqu'à Rimouski, c’est quand même une heure et demie de route. Avec mon père et un de mes oncles. On s’en va là-bas. Je connaissais la musique de Philippe Bruneau par l’entremise de Réjean Simard qui m’avait parlé de lui et j’avais acheté une de ces grosses cassettes 8 pistes qui n’étaient pas très fiables, ça changeaient de piste sans le demander… En tout cas je connaissais un peu sa musique. Je suis allé voir le spectacle. Ce n’était pas les mêmes pièces. Je jouais déjà de l’accordéon depuis deux ans. J’avais une Hohner deux rangées. Je voulais apprendre ce genre de répertoire mais comment faire ? Je n’avais pas assez de technique pour aborder vraiment ce genre de répertoire vraiment virtuose. Il aurait fallu que je décortique chaque morceau pour voir ce qui ce passait.

Je suis donc arrivé au concert de Philippe avec ma grosse machine à bobines mais avec un bon micro. J’étais quand même un peu équipé. Je demande à Philippe, qui ne me connaît pas du tout, « Est ce que je peux enregistrer ton concert ? J’aimerais cela parce que je joue de l’accordéon » « C’est bon aucun problème enregistre et tu pratiqueras ça » me dit il. J’ai installé mon micro en avant des haut-parleurs… « Record » le gros bouton clic ça faisait (il tape sur la table pour imiter le son). Dés les premiers morceaux j’ai ajusté les vu-mètres et j’ai tout enregistré le spectacle. En arrivant à la maison, crois le ou crois le pas, le spectacle durait une heure et quart… Je l’écoute… Il dure 1H30 !! En fait je l’avais enregistré à grande vitesse pour avoir la meilleur qualité et là je le réécoutais plus lentement. Je le baissais quasiment d’une octave ! J’entendais une drôle de musique, mais je percevais toutes les nuances : Les coups de soufflet, la respiration de l’instrument.

Et bien j’ai écouté ce spectacle pendant une couple d’années tous les soirs… Vraiment tous les soirs. Je le savais par cœur ! Rires. J’étais un peu fou. Je connaissais tous les coups de soufflet …Tout ! Je débutais l’accordéon. J’ai vraiment tout compris du style sur ces morceaux. J’ai donc vraiment commencé la musique avec ce répertoire. Le temps passant je fais de la musique avec plein de monde. Puis à un moment, c’est ma rencontre avec Rachel qui a des facilités pour jouer au piano le style de Dorothée. Car bien sur je lui avais fait écouter le fameux concert. On a commencé à développer cela, puis un jour, le Carrefour Mondial de l’Accordéon de Montmagny voulait nous avoir pour des concerts.

Rachel Aucoin - photo DR

Alors on a encore plus travaillé chaque morceau, approfondi le répertoire de Philippe. Et j’aime vraiment ça depuis très longtemps. Comme je te disais, mais là je pouvais le peaufiner, aller au fond des mélodies et du style… Jusqu’au moment ou Gilles Garand nous engage pour aller jouer à Danse-Neige (un camp de musique) c’était il y a trois ans pour aller faire une soirée de danse, donner des ateliers et aussi une sorte de master class pour expliquer notre travail en duo.

Ce jour là, on s’installe. On fait des pièces. On parle. On parle plus que l’on joue. Les gens aiment ça les histoires, mais à un moment donné « on va bien vous jouer une pièce ? »… Gilles était là. Je prends l’accordéon et on joue Hommage à Montmarquette, on était vraiment sur une bonne lancée. La tune allait vraiment bien. On ne sait pas pourquoi mais parfois, comme cette fois, tout était bon ! La vitesse. Le piano était bien accordé, un beau piano à queue blanc…

Quand on termine la pièce Gilles vient nous voir « Il faut faire quelque chose ! Faudrait faire un hommage à Philippe Bruneau. On va faire cela l’année prochaine». Oups ! Avec Rachel on se dit qu’il va falloir travailler fort et que si on fait cela ce serait bien d’avoir un document audio à présenter.

Et c’est là que ça a commencé. En plus du travail sur la musique il y a eu toute une réflexion sur les droits d’auteurs, la législation et tout ça. Et il a également fallut choisir le répertoire. J’ai sélectionné des morceaux dans lesquels je me sentais confortable mais aussi d’autres que je ne savais pas comment aborder. Par exemple j’ai travaillé un final un peu avec la fougue « Philippienne ». La moitié de l’album est plus « traditionnel » avec l’inspiration » du travail du duo « Philippe/Dorothée » en respectant leurs arrangements.

On a respecté tout cela avec le même type d’instrument pour retrouver la même chaleur dans les timbres. L’autre moitié du répertoire vient de morceaux que j’avais reçu de Philippe. À un moment donné il envoyait des cassettes à tout le monde avec des hommages à différents musiciens. Tu entendais tous ses traficotages sur son vieux magnétophone, pas d’arrangement, juste une sorte de canevas de base. On a pris des pièces dans ce répertoire et on en a fait des choses un peu différentes, un peu plus personnelles. On se les est vraiment approprié.

Il y aura d’autres albums dans la collection « héritage » ?

Oui ! Mais l’album « Grandes rencontres » n’est pas dans la collection Héritage. C’est un travail personnel avec Rachel. Dans la collection Héritage, en janvier 2018, on a sorti un album avec des jeunes. 10 bons musiciens que l’on a mis aussi sur scène au festival à Montmagny. Ils ont été très bien accueillis. On a vendu plein d’albums. Rires Et oui ! Si on fait cela, c’est pour que la musique circule ! Ce sont des jeunes qui jouent déjà très bien de l’accordéon. Et depuis l’enregistrement ils ont vraiment progressés.

Ils évoluent très vite. Ils ont pris beaucoup de maturité en quelques mois. Ça c’est intéressant, l’idée était de les regrouper, de faire cet enregistrement et qu’ils se dépassent. Qu’ils découvrent autre chose. Ils l’ont fait avec brio. Ce qui est intéressant dans tout cela c’est que tous ces jeunes là sont nés après le création du Carrefour Mondial de l’Accordéon, et même celui qui nous a approché en premier - Cela doit faire 5 ans - C’est Jonathan Côté il était venu nous dire : « J’aimerais ça que l’on fasse un album avec des jeunes accordéonistes. J’ai des amis qui jouent bien. On peut faire de quoi ! » On a mis ça sur la glace puis quand il est revenu l’année passée on en a parlé au Conseil d’Administration de notre association pour lancer ce projet… Et on la fait. Jonathan était vraiment content et nous aussi car sa fête tombait en même temps que les 30 ans du Carrefour Mondial de l’Accordéon de Montmagny et il allait avoir 30 ans. C’était plein de beaux symboles

Et les prochaines parutions ?

On ne le sait pas encore mais peut être avec des orchestres cette fois. Un album avec des pièces pour les jams. C’est plus difficile à enregistrer et à gérer, mais un album avec 50 ou 60 mélodies dessus me tente bien… Des pièces de Jam.

Les jams c’est vraiment le lieu pour l’initiation. Je pense que cela aurait vraiment sa place chez « Maréemusique ». Un album pour apprendre rapidement les tunes de base. Comme tu le sais j’ai maintenant mon studio à la maison cela facilite grandement les choses.

 

 

http://www.mareemusique.com