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Des mondes de musiques

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Oua-Anou Diarra

La magie d'un griot au coeur de la Normandie !

Gérard Viel

Oua-Anou Diarra est un artiste insolite et habité par sa musique et ses racines du Burkina Faso. Ce multi instrumentiste résident en ce moment en Normandie est ouvert sur un monde intérieur et humain qui ne laisse personne indifférent. Anou est griot à l’origine, et a développé un univers artistique personnel et embarque le public dans un voyage initiatique sans frontières. Rencontre avec un artiste citoyen du monde en recherche permanente.

 

Peux-tu nous parler de ton parcours de musicien et de ton éducation musicale ?

Mon parcours de musicien a toujours été très riche. J’ai eu la chance de me produire rapidement sur des scènes diverses : musique, théâtre, danse Cela m’a ouvert à d’autres secteurs et j’ai pu voir le milieu culturel de manière plus poussée, avec bien sûr des obstacles comme pour beaucoup. Ce n’est pas un chemin doré depuis le début mais ce sont ces obstacles qui m’ont permis de me construire, en tant que musicien et en tant que personne. J’ai beaucoup appris sur la flûte peule guinéenne lors de mon passage en Guinée. J’y ai vécu une période de quelques mois avec une compagnie théâtrale, et j’ai beaucoup appris sur place. C’est d’ailleurs réellement là-bas que j’ai été lié de manière spirituelle à cet instrument. Ça a été une étape très importante dans ma vie et dans ma carrière. Mon parcours professionnel a été également un parcours géographique, un temps que j’ai pu prendre pour aller à la rencontre des instruments, chaque étape était une nouvelle découverte et un apprentissage. Un réel parcours initiatique que j’ai provoqué. Bizarrement, ce sont mes collaborations avec le monde du théâtre qui m’ont permis des tournées panafricaines et par la suite européennes. En parallèle, j’ai continué à collaborer avec de nombreux groupes au Burkina Faso, tout genre confondu et cela comblait mon envie de m’ouvrir à tout et cela m’a permis aussi de me démarquer en tant que musicien.

Mon éducation musicale est tout d’abord familiale. J’ai commencé la musique sans le savoir réellement, lors de fêtes, de cérémonies. Ces fêtes sont une manière de transmettre cette tradition musicale, une pratique directe. Je suis griot. C’est un héritage familial fort mais qui ne suffit pas à être musicien. Cette initiation lors de fêtes n’arrive que très peu de fois. Parfois-même, il n’y a pas la place et on doit s’imposer. On te corrige si tu n’es pas au point mais très rapidement, tu n’as plus le droit à l’erreur (tempo, rythme etc.). Chacun doit trouver sa place et c’est presque une question d’honneur. J’ai toujours travaillé très dur pour être au point et j’ai toujours voulu voir plus loin, tester d’autres choses. C’était une sorte d’excitation d’être présent, d’accompagner et de toucher un instrument familial qui sert à jouer depuis longtemps. L’impatience de voir arriver les jours de cérémonies pour jouer, pendant des heures et des heures. Voilà mon apprentissage premier, par transmission.

En parallèle, je me suis dirigé vers d’autres instruments pour étoffer cette base de travail et je tenais à en faire quelque chose, de manière indépendante. Je me suis imposé une éducation musicale en secret, j’ai ensuite beaucoup travaillé, enfermé, des journées et des nuits, je faisais des kilomètres pour m’isoler, en nature, pour être en communion avec ces instruments mystiques. Je n’ai dévoilé mon travail qu’une fois que je l’estimais maitrisé. Je me suis formé seul, en écoutant beaucoup, dès que je pouvais payer pour aller voir un concert, me procurer des CD, même de mauvaise qualité, je le faisais.

Quelles sont les raisons qui t’ont amené à quitter ton pays ?

Mon pays, je ne l’ai pas quitté. Ma source est là-bas et je suis connecté par l’esprit, peu importe où je suis. J’ai depuis plusieurs années multiplié les collaborations en Europe et c’est tout naturellement que je me suis installé en France.

Quel a été ton plus grand choc musical en arrivant en France ?

Je pense que ce qui m’a le plus interpellé, c’est ce côté « procédure » pour monter un projet. Beaucoup de délai et de barrières avant même d’avoir pu essayer de jouer ensemble. Un besoin de théorie avant la pratique qui peut éloigner l’inspiration. Le manque de spontanéité m’a vraiment étonné dans la création. Mais je dois dire qu’aujourd’hui, j’apprécie beaucoup de travailler de manière professionnelle, c’est un comportement à adopter je pense. J’apprends beaucoup des autres, j’essaie d’être attentif et c’est que du plus. Ces deux faces me permettent d’évoluer de manière complète et d’aller encore plus loin.

Quel regard portes-tu sur la vie des musiciens en France ?

J’observe une volonté très forte des musiciens de jouer sur scène, de vouloir essayer des choses. On a la chance en France d’avoir de nombreuses salles et structures et je pense qu’il y a de nombreuses de possibilités de porter son projet et qu’il ne faut pas se limiter si on souhaite quelque chose. La vie des musiciens en France peut à la fois être confortable et pleine de possibilités, de libertés mais elle peut tout autant être plus compliqué et incertaine. Mais comme partout, il faut savoir se démarquer et il faut d’abord vouloir pour pouvoir.

Présente-nous les différents instruments que tu utilises dans ton travail

Mon instrument de prédilection est la flûte peule guinéenne, appelée aussi flûte mandingue. Au départ, les bergers utilisaient ces flûtes pour guider le bétail, et également lors de funérailles, pour des moments bien précis. Peu à peu, leur utilisation s’est développée. Ces flûtes sont en roseau et on ne trouve pas ces roseaux partout. J’ai profité de mon séjour en Guinée pour me procurer ces bois. Je fabrique mes propres flûtes. Je joue également du Tamani, appelé également Tambour parlant ou Tambour d’aisselle. Il s’agit d’une petite percussion originaire du Sénégal, l’instrument du griot par excellence. Le Djéli N’goni (Luth du griot) est un instrument que j’affectionne également beaucoup et j’aime à détourner les codes avec ! Enfin, j’utilise la calebasse avec les baguettes et je l’agrémente avec des éléments de batterie. C’est l’occasion pour moi de travailler une technique personnelle avec cet instrument.

Dans ton jeu de flûtes tu utilises également ta voix, que cherches tu à transmettre ?

Je transmets ma sincérité et le côté mystique de l’instrument et de ce qui sort de moi lorsque je joue. J’utilise la voix dans la flûte pour transmettre des valeurs telles que la force, la paix et la solidarité. En jouant, je cherche tout d’abord la communion avec mes ancêtres. D’autre-part, la flûte est un instrument parlant et cela s’impose parfois, la voix touche et interpelle. Le message passe par la voix, traverse le corps et le cœur du public, c’est une émotion de plus.

Est-ce une technique traditionnelle de ton pays ?

C’est une technique traditionnelle d’Afrique de l’ouest, effectivement. Je suis burkinabé, originaire du Nord-Ouest du Burkina Faso, d’ethnie Bwaba, mais je me considère au-delà des frontières géographiques. Cette technique complète et donne sa particularité à l’instrument. C’est un moyen de communication qui, au départ, prend sa source dans la nature, une manière de dialoguer avec les animaux. Je l’utilise et la développe à ma manière.

Quelles sont tes principales sources d’inspiration artistiques ?

Les comportements de la vie quotidienne, la nature. Je m’inspire de toute chose, des échanges qui permettent d’éclaircir des recherches. Le calme m’inspire également.Musicalement, je vais vers l’inconnu souvent et cela me permet de repréciser ce que je suis. J’aime particulièrement le Jazz, car cela concerne tout le monde et c’est pour moi le symbole de la liberté. Je suis également sensible au rock, au punk par exemple qui me touche par sa violence parfois, cette manière d’exister. Le Blues quant à lui est ancré en moi, c’est la sincérité et l’authenticité, la musique du cœur.

Est-ce que dans ta musique et dans tes mots il y a un message particulier ?

Dans ma musique et mes mots, je transmets un message de paix et d’union. Mes textes parlent de solidarité et de liberté, que j’essaie de transmettre, et donner à se sentir libre.

Pourquoi ce choix de te produire essentiellement en solo ?

Je développe actuellement mon solo Déclinaison(s) et, comme son nom l’indique, on y découvre plusieurs facettes de moi-même au travers de mes instruments, je ne me sens donc pas seul ! Plus sérieusement, il me semblait important de porter ce projet solo pour marquer mon identité en tant que musicien et personne. C’est le premier projet que je porte professionnellement en France et je tiens à être identifié tout d’abord pour ce que je suis. Au-delà de ça, je collabore avec différentes formations et j’ai actuellement plusieurs projets en tournée et en création. « Play Own Play » en est un exemple, il s’agit d’un Quintet Jazz qui groove comme j’aime ! J’ai également un autre projet en cours, un trio. A suivre.

Contact : https://oua-anou-diarra.fr/

Photos de Virginie Meigné

Découvrez le teaser du spectacle : DECLINAISON(S)