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Des mondes de musiques

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Rencontre avec Castanha é Vinovèl

Deux Joyeux Musiciens revisitent les Balètis !

Gérard Viel

En ce début de l’été, je vous propose une rencontre avec deux compères occitans qui ne se prennent pas au sérieux, parfois iconoclastes, mais heureux de vivre et avec l’envie de donner du bonheur aux danseurs. Leur musique est vivante, actuelle, et ils revisitent le patrimoine musical de leur région avec talent, humour et un peu de provocation sans jamais renier leurs racines. En route pour un Balèti endiablé au son de l’accordéon et de la veille à roue, sans oublier « le vin nouveau et les châtaignes grillées » et dansons jusqu’au bout de la nuit !

Pouvez vous nous préciser et expliquer le sens du nom de votre duo ?

Alain : je rentrais du Brésil et j’avais découvert un le duo « Caju et Castanha » et dans l’entrefaite, Jean-Michel Lhubac nous propose d’enregistrer une chanson pour son « cansonier » qui s’appelait « las castanhas e lo vin novel », quand nous avons crée le duo, le nom était évident. De plus la fête du vin primeur où on goute le premier vin de l’année en mangeant des châtaignes grillées est une des fêtes populaires encore très présente dans notre région.

Jean-Brice : Castanha é Vinovèl (se prononce Castagno et binoubèl) signifie châtaigne et vin nouveau, ce nom correspond à des fêtes populaires dans le sud de la France, « à l’automne quand les vendanges sont terminées, on se retrouve sur la place du village, on tire le vin nouveau et on fait griller des châtaignes ; on chante, on danse, c’est le Balèti jusqu’à tard dans la nuit ».

Comment s’est fait votre rencontre ?

Alain : je jouais de la contrebasse dans un groupe et nous cherchions un batteur. Un ami nous a présenté Jean-Brice qui rentrait d’Angleterre et qui est devenu notre batteur. C’est ainsi que c’est faite notre rencontre lui à la batterie et moi à la contrebasse dans les années 90 si ma mémoire est bonne…….

JB : En 1987, je rentrais chez moi sur Béziers d’une tournée de deux ans en Angleterre, en transition je donnais des cours de batterie dans un magasin de musique. A cette époque, Alain jouait de la contrebasse, et cherchait d’un batteur pour son trio de chanson française swing « Traction Ailleurs ». Je me suis présenté à l’audition et j’ai eu la place. Ce fut le début d’une longue collaboration…

Comment pouvez définir votre musique ?

A : C’est une musique à danser, populaire, qui va toucher les enfants et les papys donc qui traverse les générations. Notre musique est joyeuse comme les musiciens de bal d’antan, qui avaient pour fonction sociale de faire danser les gens ensemble, sans distinction de rien, ni d’âge, ni de technicité, ni d’origine…

JB : pour notre 3ème Album nous nous sommes autorisés à composer des chansons et musiques en s’inspirant du répertoire traditionnel Occitan au sens large du terme. Sur scène nous jouons comme pour un Balèti avec une énergie plutôt rock tout en respectant les cadences rythmiques en direction des danses appropriées aux musiques.

N’est ce pas trop réducteur, voir frustrant musicalement de travailler en formation duo ?

A : c’est vrai qu’en duo, les arrangements musicaux sont assez réduits mais cette contrainte permet de trouver une efficacité qui est plus difficile à appréhender avec des formations plus larges. La frustration pourrait se faire sentir si nous ne faisions que ce duo, mais nous jouons aussi avec le groupe « l’Art à Tatouille » dans lequel nous sommes plus nombreux et nous jouons respectivement dans d’autres formations.

JB : bien au contraire, la force de notre duo est la polyvalence, nous avons travaillé un son pour Castanha é Vinovèl comme si nous étions un groupe de plusieurs musiciens et nous jouons en simultané (Vielle à roue Accordéon chromatique dans les mains, percussions aux pieds et deux chants). De ce fait, par ces contraintes l’interprétation musicale demande indépendance, concentration, simplicité pour une meilleure efficacité.

Quel est le parcours musical de chacun de vous ?

A : pour ma part, j’ai commencé la musique à l’école avec la flute à bec, qui reste pour moi un instrument merveilleux. A l’adolescence, je me suis mis à la basse électrique pour rentrer dans un groupe, puis j’ai créé un orchestre de bal plutôt rock qui a bien tourné pendant 8 ans. Ensuite j’ai étudié la contrebasse et commencé un cursus de conservatoire, c’est ainsi que j’ai créé ce fameux groupe dans lequel Jean-Brice nous a rejoint. C’était un groupe essentiellement de compositions originales de chanson jazzy et qui a tourné une dizaine d’année en passant par le showbiz parisien, les télés les radios, France Inter et à la fin de ce groupe j’ai créé une compagnie de théâtre de rue et c’est dans cette période que je me suis intéressé à la musique trad, et à l’accordéon, nettement plus transportable qu’une contrebasse

JB : J’ai suivi une formation de batteur percussionniste et créé mon premier groupe de rock vers 15 ans. En 1985, je suis parti en Angleterre jouer de la pop-music, et de retour à Béziers, j’ai donc rejoint Alain et son trio avec qui nous avons tourné durant cinq années. Par la suite, j’ai expérimenté les musiques racines que sont le blues et le gospel dans divers projets sur Montpellier… à la fin de ces projets j’ai retrouvé Alain dans un groupe de musique de rue et c’est à ce moment que j’ai commencé la vielle à roue et découvert la musique et les danses trad et redécouvert la langue Occitane.

Comment s’est constitué votre répertoire ?

A : un peu à la sauvette en écoutant des groupes et en adaptant les morceaux, en écoutant les collègues, et surtout en cherchant dans le gros travail de collectage que fait encore le groupe « la Talvera »

JB : Au départ nous sommes allés à la rencontre de collecteurs de musiques Occitanes tels que : «La Talvera, Jean-Michel Lhubac ou Laurent Cavaillé, avec lesquels nous avons découvert et ressorti des tiroirs des chansons oubliées. Ensuite, nous les avons réarrangées et « organisées » en duo pour donner nos premiers Balètis. La plupart ont été enregistrées sur notre 1er CD « Le déjeuner sur l’herbe ».

Par la suite, aux hasard des rencontres, lors de nos tournées, nous avons ramené d’autres airs de régions ou pays différents pour élargir notre répertoire.

Vous considérez vous comme des agitateurs un peu provocateurs ?

A : oui un peu agitateurs car nous venons du rock et nous jouons le trad comme nous jouions les morceaux rock. Nous n’avons ni la technique, ni la culture de la musique trad, et cette spontanéité un peu infantile nous a permis de fidéliser un public qui doit aimer cette façon de faire de la musique, avec joie et humilité.

JB : Je dirai des agitateurs de bal avec l’énergie du rock, provocateurs oui, dans nos Balètis entre les morceaux nous aimons communiquer, voire blaguer avec les danseurs et le public en général, c’est un moment de fête et de partage c’est interactif.

Pourquoi cette passion pour la peinture dans le visuel de vos albums ?

A : c’est toujours difficile de faire des visuels pour des cd et pour le premier album nous n’avions pas vraiment d’idées originales donc en réfléchissant, j’ai remarqué que , souvent le visuel des disques d’accordéonistes musette étaient l’accordéoniste et son sourire avec derrière lui une jolie fille un peu dénudée (je pense pour attirer l’œil du client potentiel) et on s’est dit qu’on allait faire un peu pareil mais avec élégance et poésie en reprenant une technique des théâtres de foire du début 1900 qui reproduisaient en réel des tableaux connus.

JB : en réalisant un album la musique sensibilise l’oreille de l’auditeur, la pochette de l’album permet d’attirer l’œil et pour cela la peinture est un Art magnifique.

Pour les visuels de nos albums, l’idée de base est de faire apparaître la notion de contact humain que l’on retrouve dans les balètis avec les danses collectives ou les gens se donnent la main. « Le déjeuner sur l’herbe » d’Edouard Manet et « le bain turc » de Jean-Dominique Ingres sont des tableaux qui, à leur époque, ont bousculé les mœurs. Nous aimons cela et comme tout bon Occitans blagueurs nous nous sommes amusés à nous mettre en scène dans chacun de ces tableaux.

Quel regard portez vous en 2018 sur le métier de musicien ?

Alain : le métier à notre échelle est un métier d’artisan, nous croulons sous des tonnes de documents administratifs. Personnellement, je ne me doutais pas que j’allais pouvoir vivre de ce métier toute ma vie, c’est une grande chance. Maintenant il existe dans notre profession de multiples formes, mais la seule vraie réussite c’est quand le public vient vous voir et donc que les organisateurs vous invitent sur leur soirée ou leur festival.

JB : En France, vivre de la musique est un privilège et le régime d’Intermittent du spectacle y est pour beaucoup : les musiciens peuvent se consacrer à plein temps à la création musicale mais aussi maîtriser la communication grâce aux outils que propose l’internet. Cela demande tout de même de se structurer en autoproduction pour diffuser son projet musical.

Quel est votre sentiment sur l’avenir des musiques traditionnelles en France ?

Alain : dans certaines régions nous voyons que la musique trad. est bien ancrée et le signe est la jeunesse des musiciens et des danseurs qui la pratiquent. La musique trad. arrive de loin et elle est toujours présente, je ne me fais donc pas de souci sur sa vitalité et sur son avenir…

JB : Les musiques évoluent, elles se transforment du fait de nos modes de vies. Aujourd’hui on ne fait plus la musique comme il y a cinquante ans, le numérique et les ordinateurs sont présents dans les enregistrements, ils sont un support qui doit rester au service des instruments traditionnels. Pour les textes, il est difficile d’écrire une chanson trad, les histoires actuelles à raconter ne peuvent plus parler de la ruralité d’antan. En revanche, les musiques actuelles proposent un style musical à tendance électro qui combinées au répertoire trad ouvre de nouvelles orientations pour les musiques traditionnelles. Beaucoup de nouveaux jeunes groupes sont déjà dans cette mouvance.

Contact : www.castanha-e-vinovel.fr