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Des mondes de musiques

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San Salvador

Les voix à suivre

Philippe Krümm

Sorte de phénomène dans le monde étrange et secret des musiques « traditionnelles » San Salvador explose les cadres. Avec en 2019 une tournée impressionnante de plus de 50 dates dont le : Rain Forest, le Sziget, le Womad… Le groupe s’achemine avec pour la fin de l’année, le 12 décembre, les Trans Musicales, Le grand festival Rennais découvreur de talents, piloté par Jean-Louis Brossard, depuis sa création en 1979. Ça valait la peine de poser quelques questions à Gabriel Durif le leader de ce groupe puissant !

 

Gabriel Durif 

Qu’est ce qui a présidé à la création de San Salvador ?

Un ensemble de paramètres. Mais en premier lieu le collectif humain qui est derrière et le besoin qu'on avait de fabriquer et d'exprimer quelque chose ensemble.

Le mot Corrézien a de l’importance ?

On cherchait effectivement à « localiser » au plus possible la musique et sans doute aussi la démarche qu'on avait. (Et qu'on a toujours). Le fait d'avoir bâti notre collectif artistique là où nous avons grandi, de poursuivre un travail « libre » autour de la musique que nous avions reçus en « héritage ». Il fallait convoquer un périmètre, un imaginaire de départ à partir duquel on invente.

Le village de Saint-Salvadour, lieu de naissance de San Salvador, qu’en dire ?

A priori, en surface, rien ! Il ressemble à ces très  nombreuses petites communes françaises d'aujourd'hui. Quelques gilets jaunes, beaucoup d'ennuis, de vide, de silence. Après ta question porte sur le fait que c'est un peu un des « hall of fame » de la musique trad. française !!!  Et çà joue effectivement pour nous. La trace du travail de mon père, (Olivier Durif ndlr) sa rencontre avec Léon Peyrat...etc. Voilà prendre ce nom c'était une forme de clin d'œil à cette histoire là qui fait partie de nous et que je te laisse si tu le veux bien, cher Philippe, le soin d'expliquer dans une prochaine chronique aux gens qui ne comprendront absolument pas de quoi ça parle...! (Ce sera bientôt fait -ndlr)

 


Pourquoi l’abandon des instruments mélodiques alors que vous êtes pour la plupart instrumentistes ?

Parce que la voix est un vecteur direct de transmission du sensible. Sans filtre. On avait commencé à dessiner un projet très « symphonique » avec la présence des instruments. Mais on s'est aperçu que l'on passait beaucoup de temps à arranger les parties instrumentales, au détriment des parties vocales. On a donc fait le choix radical de tout dégager et de revenir à la forme basique et rudimentaire voix percussions. Cela nous a permit de remettre le propos vocal au centre, ne pas gommer les fragilités, responsabiliser notre prise d'espace au plateau. Et puis çà nous rend plus « antique » aussi. ... En lien avec la forme la plus archaïque et possiblement ancestrale de l'expression musicale. La voix humaine et un support percussif pour s'accompagner. Je formule souvent l'hypothèse (farfelue totalement inventée et absolument pas scientifique!) du premier homme qui un jour monte sur un rocher devant ses pairs, bredouille quelque chose avec la voix et s'accompagne en tapant sur des cailloux. L’espèce de point de départ de la musique. Voilà et moi l'idée que des centaines de milliers d'années plus tard on en soit encore là. Ça me plait!

Comment arrive le fait de composer ?

Pas de méthode particulière. Hasard et chaos. Des fois tu appuies sur un bouton (Celui de l'inspiration !!!) et la mélodie, les arrangements viennent. Des fois (souvent) tu écris trente milles versions possibles du morceau et tu n'en gardes qu'une seule à la fin. 

San Salvador sur scéne - Photo DR -

Le choix des répertoires et la mise en place ?

On a essayé de travailler sur les textes de chansons qui étaient dans notre proximité direct. Donc on a restreint l'aire géographique sur laquelle on travaille, pour se concentrer sur les textes de chansons occitanes issus du Pays de Tulle, Bas Limousin. Après il faut faire le tri. Chercher les chansons qui peuvent rebondir, trouver un écho avec le monde d'aujourd'hui. Pour l'instant le fond ne s'est pas encore « tari ». Mais je n'exclue pas, demain, de travailler aussi sur de la création de texte.

La rencontre avec Manu Théron ?

Manu (et Lo Cor de la Plana) est un des musiciens qui a confirmé pour moi la possibilité qu'on avait de revendiquer la dimension absolument « contemporaine » de nos musiques. Ils ont porté ce propos « musiques et chant populaires » avec beaucoup de charisme et de singularité. Ils l'ont fait vivre en dehors du circuit autocentré du dit "Musique trad'". Pour moi cela m'a en quelques sortes réconcilié avec cette musique que j'avais en moi et avec laquelle j'avais, ado, une forme de complexe ; préférant alors me réfugier dans toutes les autres musiques possibles que dans le "trad" introverti et qui ne s'adressait qu'à lui-même!

Les apports des musiques « trad’ » et l’influence de tes parents et de ton entourage ?

C'est la base. On a chanté et joué le répertoire Massif Central depuis l'enfance. Mais on vient aussi d'une histoire d'émancipation de tout çà. De la nécessité de ne pas prendre et restituer en bloc tout le paquetage. Mais de pouvoir se l'approprier, le transformer, le "singulariser", le faire coller "au réel"

Le lien avec la danse ?

Peu. J'ai un peu du mal avec la musique trad française qui ne se laisse comme horizon que la "musique à danser". Pour moi il y a tant de choses à explorer, à revendiquer. Le dispositif "Bal Folk" restreint pour moi l'expression musicale. Donc je n'en fais pas. Après je travaille beaucoup sur le répertoire chanté de musique à danser. Le travail du rythme. J'ai avec moi quelques "balises"  que j'emprunte çà et là à mes illustres prédécesseurs.

Par exemple, pour moi, la bourrée à 3 temps c'est sans temps forts. Uniquement de la pulsation. Mon modèle c'est Jean-Pierre Champeval et mon père ; quand ils jouent à deux. Pareil pour la bourrée à deux temps. Le top selon moi c'est Patrick Bouffard et/ou Frédéric Paris. Je les ai beaucoup écouté. J'en ai comme ça à la pelle! J'aime bien l'analyse qu'a formuler un jour, je crois, André Ricros sur le fait que le chanteur de musique trad. ornemente souvent en fonction de l'instrument qu'il pratique (vielle, violon, cornemuse...etc.).

Moi je ne pratique aucun des trois (à part dans un passé lointain de la cornemuse). Mais j'ai beaucoup écouté /travaillé sur les 3. Le rythme de l'archet, les "trilles" de la vielle à roue, le "soulevé" des notes de cornemuses dans la gamme. J'essaye de travailler sur tout çà, de les intégrer dans ma pratique vocale.

Souvent dans des textes sur vous revient le mot punk. Que penses-tu, et c’est lequel ton groupe punk de référence ?

Pourquoi pas. Pour moi ça raconte en tout cas plutôt bien notre envie de fuir à tout prix « l’académisme » qui prévaut trop souvent dans les musiques trad. Je privilégie plutôt le travail sur l'expression. « Trois notes max. … » mais avec le plus d'engagement, de sincérité de d'authenticité possible. Voilà après les Clashs doivent être (encore aujourd'hui ?) un groupe punk de référence. Quant à moi je n'ai pas vraiment de références. J'écoute (quant j'écoute encore de la musique...aïe) absolument de tout. Je suis absolument disponible pour tout (à partir du moment où c'est bien...Bien sur!!!)

Vous préparer un album ? Aujourd’hui cela sert à quoi ? Surtout pour vous qui êtes de la génération « dématérialisée !

Bonne question! Sans doute pour nous ça sert à « s’arrêter », prendre le temps de « figer » un peu la musique que l'on a inventée jusque là. Jusqu'à présent on a jamais pris le temps d'enregistrer (au delà de maquettes faites dans les 3 jours qu'on avait prévu et qu'on à jamais sortie parce qu'au final ça nous plaisait pas). On s'est voué corps et âmes sur le travail du plateau et de diff. Donc là on prend ce temps pour écrire un peu le disque et on croise les doigts pour que ce soit pas trop mal !

Les musiques que tu/vous avez écoutées récemment ?

J'ai extrêmement honte. Mais je ne sais pas répondre à cette question. Je vais me tirer une grosse balle dans le pied mais je n'écoute pas beaucoup de musique en général. Ces derniers temps j'ai passé beaucoup de temps à en faire (ou à faire des dossiers de subventions!). Je ne saurais pas vraiment dire ce qui m'a récemment traversé. En plus je suis un peu du genre à écouter les 10 mêmes trucs que j'écoute depuis 10ans.

Photo DR

Quelques mots sur « Lost in traditions » ?

Lost in Traditions est notre collectif artistique qui accompagne le projet. Il porte simultanément l'activité de 3 compagnies artistiques (Le Zoo / musique, Les Nuages Noirs /théâtre jeunesse, et les « Travailleurs de Nuits » qui mène un travail documentaire sur la mémoire et la géographie...) Il y a en plus la MANU qui est notre outil de « contamination  artistique » sur le territoire et via laquelle nous menons à l'année un certain nombre d'ateliers et d’événements divers.

Quels sont les « chantiers » en prévisions ?

Ho là là ! Beaucoup ! Entre autres, on fabrique le projet d'un lieu de création artistique avec le CRMTL (1) , chez nous, à Chamboulive.

1 / Centre Régional des Musiques Traditionnelles en Limousin