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Des mondes de musiques

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SHELTA

L’Irlande à la lyonnaise

Philippe Cousin

Depuis les années 70, la musique irlandaise exerce une forte attraction sur les musiciens traditionnels un peu partout en France, de la Bretagne à Toulouse, mais également dans la région de Lyon. Une région d’où nous vient le groupe Shelta dont j’ai interviewé le guitariste Fabien Guiloineau.

 

Photo Shelta 

«Je suis originaire d’Auvergne mais j’habite à Lyon,» commence Fabien et je joue de la guitare et du bouzouki. J’ai commencé à jouer vers l’âge de 16 ans et après avoir joué un peu de rock et de folk, rapidement je me suis tourné vers la musique traditionnelle irlandaise. A part Shelta j’ai joué dans divers groupes irlandais : Foxy Devil, Hop Corner...Et en trad français, aujourd’hui je joue avec CentralBal, avec Patrick Bouffard à la vièle à roue.»

«Tania Buisse qui joue du bodhrán vient de Bourgogne. Elle a découvert le bodhrán et la musique irlandaise lors d’un concert de Danú en 1997. Depuis elle n’a pas cessé d’approfondir son style en voyageant en Irlande et notamment à Ennis. Aujourd’hui, en plus de Shelta elle joue dans le groupe américano-britannique Topette, avec Andy Cutting».

«Au banjo ténor, au uilleann pipes et aux whistles, il y a Julien Cartonnet qui est originaire du Morvan et vit dans le Beaujolais. Il a découvert le uilleann pipes à 15 ans alors qu’il jouait déjà de la cornemuse du centre de la France, dans le Morvan. Et en 2007, après s’être mis au banjo ténor, il s’aguerrit à la musique irlandaise dans les sessions de Lyon. Il joue également dans Princesse Miska, Dordogne ainsi que dans le groupe Topette avec Tania».

«John Delorme exerce son talent au fiddle, à la guitare et au chant. Lui aussi habite près de Lyon. Étonnement il a d’abord commencé la musique par l’étude du flamenco. Finalement c’est grâce à sa rencontre avec des musiciens lyonnais et surtout avec le violoniste de Lyon John Doherty, (homonyme d’un célèbre violoniste du Donegal) qui lui apprend le fiddle, qu’il se spécialise dans la musique irlandaise. Parallèlement John s’est mis à la lutherie et il fabrique des harpes celtiques».

«Enfin à l’accordéon diatonique, il y a Guy Vesvre qui vit du côté de Saint-Étienne au sud-ouest de Lyon. Cela fait plus de quarante ans qu’il pratique l’accordéon, d’abord avec la musique trad du centre de la France, puis assez rapidement avec la musique irlandaise dans le groupe Korrigan avec lequel il a tourné plus de 20 ans».

 

Photo Shelta

 

Naissance d’un groupe.

Assez curieusement les membres de Shelta ne sont pas issus de familles de musiciens à l’exception de Julien, le joueur de uilleann pipes.

C’est au tout début des années 2000 que Fabien et François Baubet, flûtiste, rencontrent Romain Chéré, flûtiste également, et Tiennet Simonnin, uilleann piper. Comme ils habitaient loin les uns des autres, ils décident de fonder un groupe qu’ils baptisent Shelta.

«Shelta c’est le nom de la langue des Travellers en Irlande, une communauté où la musique avait une place très importante et dont sont issus des musiciens aussi célèbres que Johnny Doran ou Paddy Keenan».  

Photo Shelta

Les membres de Shelta jouent de la musique traditionnelle irlandaise sans influence régionale particulière. «En France, on dit que l’on joue de la musique irlandaise comme elle se joue dans les pubs. Beaucoup de Français sont allés en vacances en Irlande et ça leur parle».

Fabien avoue qu’ils ne composent pas. «Le répertoire irlandais est tellement vaste que le choix est infini pour trouver de bonnes combinaisons de suites. Pour les chansons, c’est John qui choisit ce qu’il veut chanter. Son inspiration va du répertoire irlandais ou écossais à, la musique américaine».

Guiloineau et ses amis reconnaissent avoir découvert la musique irlandaise via les disques de Bothy Band, Dé Dannan, Altan, Dervish ou Lúnasa. Mais à force de voyager dans la verte Erin, notamment à Ennis, Limerick ou Cork, ils ont rencontré beaucoup de musiciens et découvert d’autres styles, d’autres manières de faire sonner cette musique, ce qui les a forcément influencés.

Peut-on dire qu’il y a eu une évolution dans leur musique depuis vingt ans que le groupe existe ? «Oui forcément» admet Fabien, «même s’il est difficile d’avoir un regard extérieur       sur ce que l’on fait. Au début on s’essayait à des arrangements. Aujourd’hui on en fait moins mais on privilégie le swing de cette musique. Les mélodies sont tellement riches que parfois il n’y a pas vraiment besoin d’arrangements car elles se suffisent à elles-mêmes».     

D’un album à l’autre.

En vingt ans de carrière, Shelta a bien sûr publié plusieurs albums. Le premier date de 2006. L’accordéoniste venait d’intégrer le groupe. Puis un second album Four men and a girl a vu le jour en 2010. Le troisième opus Shamrock Hill était un six titres et il a marqué l’arrivée du piper dans le groupe ainsi que le début des chansons dans leur répertoire.

Enfin en 2022, alors que le groupe fête ses 20 ans, ils décident de publier un album anniversaire intitulé Twenty, une évidence, avec des invités, notamment les musiciens à l’origine du groupe. François Baubet qui vit dans le Connemara à la flûte. Romain Chéré à la mandoline et à la flûte. Tiennet Simonnin à l’accordéon chromatique et au uilleann pipes. Et enfin le flûtiste de Limerick Ronan Ryan.

«L’enregistrement a eu lieu dans un petit  théâtre en Bourgogne» reprend Fabien, «en trois séances. Une première en juin 2021 lors de laquelle nous avons enregistré les chansons. Puis en septembre pour les instrumentaux. Et enfin en novembre avec les musiciens invités. Lors de cette séance, et malgré les restrictions liées à la pandémie, nous avons notamment enregistré un set de reels tous les neufs en même temps».

Le fait d’avoir des musiciens invités a permis au groupe différentes combinaisons d’instrumentation. On y entend pas mal de flûte traversière en bois et de uilleann pipes, notamment grâce à la présence de François, Romain et Ronan à la flûte et Tiennet et Julien aux pipes. Pour autant, l’équilibre de l’ensemble est respecté et chaque instrument est ainsi mis en valeur.

Le choix des morceaux a lui aussi fait l’objet d’une vraie recherche. «Comme souvent nous avons fait un mix entre les airs trad plus ou moins connus et des compositions récentes. L’idée, toujours la même, est de  trouver un équilibre entre tradition et modernité. La plupart des suites que l’on a enregistré, on les jouait déjà en concert ou en session. Sauf celles avec les invités où l’on a décidé ensemble des arrangements».

Le premier set est composé de trois jigs, dont deux de Liz Carroll et une autre issue du collectage de Francis O’Neill. Le second set de reels comprend un air composé par le violoniste français Patrick Ourceau et un autre de Pádraig Rynne.
«Nous enchaînons avec deux slip jigs, un trad et une compo de l’accordéoniste Paddy O’Brien. Après ces trois titres instrumentaux, on trouve une chanson, Paddy’s Green Shamrock Shore, sur laquelle John a voulu faire un arrangement particulier au milieu de la chanson, ce qui nous permet d’enchaîner avec un reel trad à la fin».

On retrouve également un slow reel du Donegal, The Merry Sisters, ainsi qu’une valse de Rodney Miller et une jig de Máirtín O’Connor. «Le septième titre est quant à lui composé d’un set inspiré de T.O’Carolan et d’un reel bien connu Mayor Harrison’s Fedora. La chanson suivante nous vient des États-Unis. Ensuite nous continuons avec trois trois reels plus classiques».

Le titre 9 est le plus long de l’album. Le slow air The Lord of Mayo puis deux jigs. «Suit une chanson d’Ewan McColl, The Thirty Foot Trailer, une chanson nostalgique sur la fin de l’époque des Travellers en Irlande. C’est un peu un clin d’œil au nom du groupe, confesse Fabien. Enfin nous terminons avec trois reels, des standards de session, sur lesquels tous les musiciens jouent ensemble».

Photo Shelta

Les cinq membres de Shelta jouent une musique de très bonne facture, essayant de respecter la tradition tout en y apportant leur touche personnelle. Cela n’est pas si facile selon Fabien, mais ça leur permet d’avoir leur propre son. Pour l’heure, Shelta va reprendre les tournées pour faire la promotion de leur album et ainsi continuer à fêter leurs 20 ans. «Et nous allons essayer d’enregistrer davantage de vidéos, un exercice incontournable aujourd’hui».