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Des mondes de musiques

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The 25 th Banjo Gathering

Ier au 4 novembre 2022 Peale Museum, Baltimore, MD

Gérard De Smaele - Novembre 2022

La vingt-cinquième édition de la Banjo Gathering représente certainement un jalon important de l’histoire de cette conférence, initiées en 1998 par un groupe de collectionneurs et d’historiens avides de communiquer et d’échanger leurs découvertes.

Sans se douter de la tournure que prendrait cette initiative, ce qui fut d’abord appelé la  Banjo Collector’s Gathering s’est alignée dans la continuité des grands rassemblements de banjoïstes de la fin du siècle passé  (le Tennessee Banjo Institute ainsi que la Maryland Banjo Academy). Au fil du temps, elle constituera une équipe d’éminents spécialistes, pour en peu de  temps devenir l’épicentre des recherches sur les origines et l’histoire du banjo à cinq cordes[1]. Sans s’éloigner de la vie musicale actuelle, il est intéressant de faire remarquer que ces réunions seront toujours ponctuées de prestations de première qualité.  Pour ne citer qu’eux, Mike Seeger, Bob Carlin, Adam Hurt, Cathy Fink & Marcy Marxer, Jake Blount, Bill Evans… ont répondu présent aux organisateurs, autant sur scène que lors des jam’s informelles du soir.

Les résultats les plus tangibles du rayonnement de ces Banjo Gatherings seront d’une part l’éclosion de grandes expositions (Lexington, Stoney Brook, Baltimore…[2]), ainsi que l’instigation de publications remettant d’aplomb nos connaissances sur l’apparition du banjo dans le ‘nouveau monde’, le minstrel show et la créolisation de sources musicales tant européennes qu’africaines. Nous pensons notamment à Banjo Roots and Branches: New Explorations (Urbana: University of Illinois, 2018), un ouvrage incontournable rédigé par un collectif de spécialistes rassemblés autour du professeur Robert Winans. Cette année, Kristina Gaddy viendra nous présenter son Well of Souls: Uncovering the Banjo’s Hidden History (W.W. Norton & Co., 2022), une étude qui s’inscrit dans le prolongement de la découverte du ‘banza haïtien’ lors de notre exposition au Musée des instruments de musique de Bruxelles (2003-2004). [3]

 

Bien que la Banjo Gathering de 2022, organisée cette fois au Peale Museum de Baltimore,  se soit révélée un rien plus modeste que celles d’ Arlington MA  (2005), de Charlottesville VA (2016) ou de Bristol VA (2018)…, le programme de cette année n’en fut pas pour autant moins nourri, soulevant des questions d’un vif intérêt  : les premiers fabricants de banjos à Baltimore, la découverte d’un instrument historique au Musée des Confluences à Lyon (France), les banjos du luthier anglais Alfred Weaver, l’histoire de la maison Fairbanks, etc. Le programme complet est accessible sur internet, et les enregistrements des communications à revoir sur ‘Vimeo’ :

https://banjogathering.weebly.com/2022-banjo-gathering.html

Cette Banjo Gathering fut une fois de plus une occasion unique de rencontrer de fameux luthiers (Kevin Enoch, Ross, Seeders…)  et d’essayer un large choix d’instruments proposés à la vente par de grands marchands (Elderly Instruments, John Bernunzio…). De prestigieuses  marques anciennes, des spécimens rares de valeur historique y furent exposés :  tel un minstrel banjo en parfait état provenant de l’atelier de William Boucher (Baltimore, ca. 1850) appartenant à Peter Szego, un des fondateurs de la Gathering.

Banjo Diasporas & Keepers of the Flame’, thème de la soirée de concert présentée par Tony Trischka, fut ouverte au public de Baltimore le 2 novembre au Creative Hall. L’affiche en dit assez sur la qualité et la variété des artistes présents. Avec Aaron Jonah Lewis, le banjo dit ‘classique’ y fut honorablement représenté, sans oublier Cynthia Sayer au ‘plectrum’

 

 

Parmi les participants, ce fut un immense plaisir que de retrouver Bob Winans, Cecelia Conway, Pete Ross, Scott Odell, Tony Thomas, Hank Shwartz et autres connaissances. Ce fut aussi un honneur que d’avoir été invité avec les collectionneurs James Bollman et Peter Szego, ainsi que Marc Fields (The Banjo Project), à participer à un débat sur les relations entre les instigateurs des expositions mentionnées ci-dessus et les institutions muséales : une table-ronde modérée par Greg Adams (Smithsonian Institution).

De retour à Washington, joignable par train en une heure, l’occasion m’était offerte de retourner sur le National Mall. Entre le Capitol des Etats-Unis et le Washington Monument. Les musées y sont nombreux et gigantesques, tel le National Museum of African American History and Culture, le National Museum of American History, le National Museum of the American Indian, sans oublier la National Gallery of Art et autres lieux culturels. Soit dit au passage, ils sont tous gratuits !

Une visite aux Ralph Rinzler Archives (Smithsonian-Folkways) et à l’American Folklife Center (Library of Congress), s’imposait aussi. Ils contiennent de véritables trésors et sont pour moi des passages obligés, ainsi que l’occasion de revoir d’anciennes connaissances. Ne voulant pas entrer en concurrence avec la Smithsonian Institution (plus précisément avec le Musée de la vie américaine), l’AFC ne conserve pas d’instruments de musique. Néanmoins deux vénérables reliques y sont entrées en 2018 : des mountain banjos (de l’atelier de Frank Proffitt et de Nathan Hicks), ayant appartenu à Frank Warner. Celui construit par Nathan Hicks est recouvert de la signature de 266 personnalités liées au folk revival : Pete Seeger, Woody Guthrie, John et Alan Lomax… Plus récemment, c’est un banjo légué par John Cohen (1932-2019), un des membres fondateurs des New Lost City Ramblers, qui est entré dans les collections : un Fairbanks-Vega des années 1920. Ce ‘Whyte Laydie’ (sic.) fut prêté à Roscoe Holcomb pour certains de ses enregistrements. C’est une bénédiction que d’avoir eu le privilège de pouvoir en jouer…

Vue à travers le prisme de la Banjo Gathering, l’histoire du banjo n’élude pas les questions embarrassantes de l’esclavage et de la ségrégation raciale, qui entachent tant ses origines africaines que la naissance du  minstrel show et certains aspects de la country music. C’est un sujet complexe, difficile à cerner en quelques lignes. De Pete Seeger à Béla Fleck, appelons cependant que beaucoup de musiciens blancs ardemment ont défendu la cause des Afro-Américains et des Civil Rights.[4] Ils ont d’ailleurs toujours été les bienvenus. La banjo est manifestement une fenêtre ouverte sur ces questions.

 

Dès la première édition de son How to Play the 5-String Banjo (New York, 1948), Pete Seeger (1919-2014), conseillé par son père -l’éminent musicologue Charles Seeger (1886-1979)- faisait déjà remarquer que l’akonting était un ancêtre possible du banjo. Les travaux du français André Schaeffner (1895-1980), anthropologue et ethnomusicologue du Musée de l’Homme à Paris, se penchant sur l’histoire du jazz, s’étaient eux aussi -dès les années 1920- orientés vers l’Afrique. C’est finalement la libraire et musicologue Dena Epstein (1916-2013) qui viendra, dans un article publié dans la revue Ethnomusicology (1975), réanimer et alimenter le débat, repris par Cecelia Conway …

 

 Derrière ces beaux instruments se cachent d’importantes prises de conscience !

 

[1] Gérard De Smaele. « The Banjo Gathering : Bristol, 2018. » Le Canard Folk, Février 2019. Article également paru dans les revues  Banjo Newsletter, January 2019; Cinq Planètes, 2019 ; B.M.G. Magazine, # 893, Spring 2019.

https://archive.org/details/canard-folk-bg-bristol-fev-19-p-8-10-04-08-2022-a-10-15-05/mode/1up

https://www.5planetes.com/fr/actualites/the-banjo-gathering

Banjo Newsletter, Banjo Gathering: https://banjonews.com/2019-01/the_banjo_gathering_by_gerard_de_smaele.html

Remarque: n’oublions pas pour autant les travaux remarquables d’ Elias Kaufman et la publication du  Five-Stringer, l’organe de l’American Banjo Fraternity.

[2] La dernière en date se tient actuellement à New London, CT, du 8 octobre 2022 au 8 janvier 2023, au Lyman Allyn Art Museum.

[3] Id. ‘Vers les origines du banjo : Mise au jour du banza haïtien par le MiM.’ Science Connection, # 65, 2021, pp.37-45. https://www.belspo.be/belspo/organisation/publ/pub_ostc/sciencecon/65sci_fr.pdf et

https://collectionsdumusee.philharmoniedeparis.fr/doc/MUSEE/0157295

[4] Id. ‘Du banjo au MiM.’ Le Canard Folk, mars 2021.

https://www.canardfolk.be/du-banjo-au-mim/

Pour connaitre le travaille de Gérard De Smaele autour de sa passion : le banjo 
www.desmaele5str.be

https://archive.org/search.php?query=de%20smaele%20Gérard

https://www.facebook.com/de.s.gerard/