Aller au contenu
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies notamment pour réaliser des statistiques de visites afin d’optimiser la fonctionnalité du site.
Des mondes de musiques

 En lisant avec gourmandise les articles de 5planètes.com, vous pouvez écouter Canal Breizh, en cliquant sur le logo.

Muddy Gurdy

Homecoming

Etienne Bours

De retour à la maison ! En Auvergne, en montagne, en terroir profond.

Là où souffle encore la cabrette et tourne la vielle à roue  pour un répertoire ancestral qui semble si lointain du blues du Mississippi. C’est que, souvenez-vous, le trio était parti enregistrer son précédent CD au cœur des terres du blues des collines en plein Mississippi. Et voici Tia Gouttebel, Gilles Chabenat et Marc Glomeau de retour dans « les Appalaches du centre de la France » comme l’écrit Stéphane Deschamps.

Déjà l’idée de « faire » du blues avec une guitare, des percussions et une vielle à roue paraît saugrenue aux afficionados des douze mesures. Qu’ils s’accrochent alors parce que le trio tente une autre approche encore en opérant une rencontre entre un blues décidément bien compris et les traditions propres à l’Auvergne. Avec apport de cornemuse, de briolage (ce fameux chant de « grand vent » que les bouviers entonnaient pour diriger et encourager les bœufs) et de danseurs de bourrée ! Sans jamais forcer le trait, sans chercher à faire une démonstration intempestive de ces métissages recettes de ce qu’il convient d’appeler musique du monde. Non, au contraire, le répertoire s’en va, avec simplicité, rencontrer d’autres musiciens, d’autres pratiques, d’autres terres de musique.

Mais la musique de Muddy Gurdy reste profondément blues. Les titres sont évocateurs ; ils sont empruntés à Jessie Mae Hemphill, Fred McDowell, J.B. Lenoir – trois noms qui déjà font frémir. Sam Cooke est présent avec son formidable Chain gang. Et puis il faut saluer l’audace et le talent de Tia Gouttebel qui ose une interprétation personnelle, mais oh combien intelligente, de deux chansons incontournables : Another man done gone (Vera Hall) et l’éternel hymne de la ségrégation : Strange Fruit (Lewis Allan), titre emblématique s’il en est. Deux pièces qui sont encore et toujours d’une actualité brûlante et qui donnent à ce disque une dimension planétaire d’une humanité indispensable. Les musiciens sont à chaque fois bien plus qu’à leur place, ils sont inventifs et soutiennent le chant de Tia. La vielle fait encore des merveilles, notamment dans Another man done gone. Trois titres sont signés par la chanteuse/guitariste et, pour l’un d’entre eux, Marc Glomeau. Ces titres soulignent aussi la volonté de s’inscrire dans un propos qui soit à la fois ancré dans le rapport à la terre et dans le combat pour les libertés essentielles, celles des femmes par exemple.

Quand un disque est à la fois surprenant et évident c’est qu’il est réussi, on peut y revenir et approfondir par des écoutes successives, la déception ne nous attend pas au tournant. Au contraire, le sens apparaît de plus en plus évident. Comme l’écrit William Ferris dans le livret « French farmers sing to their cows, just as southern Black farmers sing to their mules”. Et c’est en partant de ces chants de la vie rurale, de ces musiques boueuses (entre bourrée et mud) que l’on chemine naturellement vers des expressions auxquelles on confie réflexions et revendications essentielles.

Notons encore la présence bienvenue d’un harmonica qui réussit une entente parfaite avec la vielle sur le titre MG’s boogie de Tia Gouttebel. Ces quelques musiciens invités apportent à l’ensemble une diversité qui ne rompt pourtant jamais l’unité de l’ensemble, à la fois puissant et subtil.

Un retour à la maison parfaitement réussi après le voyage au cœur du Mississippi.

Distribué par L'autre Distribution

Sortie Officielle le 2 Avril 2021