Souad Asla
Lemma
François Saddi
Créé à l’initiative de la chanteuse et danseuse Souad Asla, l’ensemble féminin Lemma est formé de onze femmes de tous âges, chanteuses et percussionnistes originaires de la Saoura, le sud saharien de l’Algérie, dont la grande Hasna El Becharia qui s’accompagne ici, comme dans son album solo ″Djazaïr Johara″ (Label Bleu), au gumbri et au banjo.
Située au carrefour des anciennes routes caravanières, cette région a bénéficié de multiples influences et les 11 musiciennes du groupe, tout en conservant leur style spécifique, se nourrissent de cette diversité et en particuliers des registres et répertoires des 4 genres principaux de la région : Le Zaffânî, musique de femme par excellence dont les chants sont principalement à connotation spirituelle. Le Al-farda, proche d’une forme savante empruntant à la musique arabo-andalouse, le répertoire de ce genre musical citadin alterne les odes à l’amour et des chants à consonances religieuses. La Hadra, sorte de ″concert spirituel″ dans lequel la prière est un chant qui commence par des invocations et finit dans l’extase. Le Gnâwî, genre qui renvoit à la musique des Gnawas qui célèbrent le prophète au son du gumbri et des karkabous.
Dirigé artistiquement par S. Asla qui réalise la plupart des arrangements des 16 chants de ce très beau disque, Lemma (mot qui évoque, dans le parler ancestral de la région le rassemblement, la réunion) distille une musique qui reflète cette diversité d’influences, chants profanes, sacrés, lents ou plus rapides, solistes ou collectifs et la plupart du temps accompagnés de divers percussions et claquements de mains.
Voilà ce qu’en dit l’anthropologue Abderrahmane Moussaoui : « Les musiciennes de Lemma, se veulent gardiennes d’une tradition séculaire, et s’en réclament jusque dans leur style vestimentaire. Robes longues et cheveux ramassés sous des fichus ; elles brouillent les lignes du sacré et du profane, du genre et de l’espace. Elles empruntent aux musiques jadis apanage des hommes ; et jouent sur scène des musiques de chambre et de plein air.»
Un très bel album dont le texte d’accompagnement signé de l’anthropologue cité plus haut est éminemment éclairant.
BUDA
